Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

lundi 30 décembre 2013

2013... 2014?..

Krapp jure. Débranche l’appareil, fait avancer la bande...


(Krapp jure. Débranche l’appareil, fait avancer la bande, rebranche l’appareil)
- mon visage dans ses seins et ma main sur elle. Nous restions là, couchés, sans remuer. Mais, sous nous, tout remuait, et nous remuait, doucement, de haut en bas, et d’un côté à l’autre.
         Pause.
Passé minuit. Jamais entendu pareil silence. La terre pourrait être inhabitée.
                              Pause.
Ici je termine-
      Krapp débranche l’appareil, ramène la bande en arrière, rebranche l’appareil.
- le haut du lac, avec la barque, nagé près de la rive, puis poussé la barque au large et laissé aller à la dérive. Elle était couchée sur les planches du fond, les mains sous la tête et les yeux fermés.
Soleil flamboyant, un brin de brise, l’eau un peu clapoteuse comme je l’aime. Jai remarqué une égratignure sur sa cuisse et lui ai demandé comment elle se l’était faite. En cueillant des groseilles à maquereau, m’a-t-elle répondu.  J’ai dit encore que ça semblait sans espoir et pas la peine de continuer et elle a fait oui sans ouvrir les yeux. (Pause.) Je lui ai demandé de me regarder et après quelques instants - (Pause)- après quelques instants elle l’a fait, mais les yeux comme des fentes à cause du soleil. Je me suis penché sur elle pour qu’ils soient dans l’ombre et ils se sont ouverts     (pause.) M’ont laissé entrer. (Pause.) Nous dérivions parmi les roseaux et la barque s’est coincée.        Comme ils se pliaient, avec un soupir, devant la proue ! (pause.) Je me suis coulé sur elle, mon visage dans ses seins et ma main sur elle. Nous restions là, couchés, sans remuer. Mais, sous nous, tout remuait, doucement, de haut en bas, et d’un côté à l’autre.
                                         Pause.
Samuel Beckett (1906 - 1989)
« La dernière bande » Extrait
Aux éditions de minuit

mercredi 11 décembre 2013

Comme un flot déchiré


L’homme n’écrit plus.
Copyright "Circo de los Muchachos"
Seulement le Verbe
Le fait pour lui.

Au jeune homme

Dans une attente
Douloureuse.

La volupté
Seule
Ecrit leur histoire

Et cette immense tendresse
Comme un flot
Abîmé

Qui semble
En cet instant-même
Se jeter contre un écueil.


Par amour


J’ai griffonné ce matin dix mille poèmes par amour…

lundi 9 décembre 2013

Savannah Bay


Madeleine. – Je    ne     mourrai     pas     (temps)     tu le sais ?
Jeune femme (mouvement de la tête, elle sait). - Oui
Madeleine.  - Si moi je mourrais, tout le monde mourrait, alors… ça n’existe pas…
Jeune femme. - C’est vrai.
Madeleine.  - Ce ne serait pas possible que tout le monde…    tout le monde…
Silence. Et puis égarement.
Jeune femme. - Non, ce ne serait pas possible
Madeleine. - Non
                Temps.
Jeune femme (la regarde, éperdue).-
Votre voix est devenue indécise, assourdie.
Madeleine.- ça arrive, ça arrive, je l’entends.
Jeune femme (douceur).- Vous ne comprenez plus que très peu de ce qu’on vous dit.
Madeleine.- oui, très peu de ce qu’on dit. (Temps). Quelques fois rien.
Jeune femme (lent).- vous êtes effrayante…
Madeleine.- effrayante…
Jeune femme.- Oui.
Madeleine.- Sans doute. Je n’ai plus peur de la mort. (Temps). Cela doit faire une différence.
                 Silence.
Jeune femme (douceur).- Un certain jour, un certain soir, je vous laisserai pour toujours (elle montre la salle). Je fermerai la porte, là (geste), et ce sera fini. Je vous embrasserai les mains. Je fermerai la porte. Ce sera fini.
            Silence. La Jeune Femme le fait, elle embrasse les mains de madeleine qui se laisse faire. La       jeune femme cesse d’embrasser madeleine, elle la  regarde.
Madeleine (effroi).- quelqu’un viendra chaque soir pour voir… Et pour allumer les lampes… ?
Jeune femme.- Oui. (Temps). Et un jour il n’y aura plus de lumière. Ce ne sera plus la peine qu’il y ait de la lumière.
                     Silence.
Madeleine.- Oui. C’est ça. On écoutera. La respiration aura cessé.
                     Silence. Madeleine regarde la Jeune Femme.
Madeleine.- Et toi, où seras-tu ?
Jeune femme.- Partie. Différente pour toujours. Mondaine. Pour toujours sans vous.

Savannah Bay (Extrait)
Une œuvre de Marguerite Duras.
Les éditions de minuit.

jeudi 5 décembre 2013

Il se prit à penser aux anges avec une intensité telle que...


C’est Mira Jama qui a raconté cette histoire. « Un jeune étudiant en théologie, du nom de Saufe, vivait à Chiraz. Il était brillamment doué et avait le cœur pur. En lisant et relisant le Coran, il se prit à penser aux anges avec une intensité telle que son âme vivait en leur compagnie, bien plus qu’en celle de sa mère, de ses frères de ses camarades d’études ou de tout autre habitant de Chiraz.
« Il ne cessait de se répéter les paroles du livre sacré : « … par les anges, qui entrainent les âmes des hommes avec violence ; par ceux qui attirent les âmes des autres avec douceur ; par ceux qui planent dans l’air sur l’ordre de Dieu ; par ceux qui précédent et font pénétrer les justes dans le paradis ; et par ceux qui, soumis à Dieu, dirigent les affaires de ce monde en subordonnés. »
«  Le trône de Dieu, se disait-il est sans doute placé trop haut pour que l’œil de l’homme puisse l’atteindre, et l’âme humaine tremble devant lui. Mais les anges radieux se meuvent entre les espaces azurés de Dieu et nos sombres maisons, nos sombres écoles. Nous devrions être à même de les voir et d’entrer en contact avec eux. »
« De toutes les créatures, se disait Saufe, les oiseaux doivent être celles qui ressemblent le plus aux anges. L’Ecriture ne dit-elle pas : « tout ce qui se meut dans le ciel et sur la terre adore Dieu, et les anges font de même. »
« Il est certain que les oiseaux se meuvent à la fois dans le ciel et sur la terre.
« N’est-il pas dit plus loin : « ils ne sont point gonflés d’orgueil pour dédaigner de servir ; ils chantent ; ils font ce qui leur est commandé… »
Les oiseaux font de même sans aucun doute. Si nous essayons d’imiter les oiseaux en tout, nous serons plus semblables aux anges que nous ne le sommes à présent.
«  Mais, en plus de ces choses, les oiseaux sont pourvus d’ailes. Il serait bon que les hommes fabriquent des ailes à leur usage, pour les élever jusqu’aux régions ou règne une brillante et éternelle lumière. »


« Le plongeur »
      (Extrait)
Une nouvelle extraite de :
« Le dîner de Babette »
(1885-1962)
Traduit du danois
Par Marthe Metzger

dimanche 1 décembre 2013

Prière du soir


Emile Nelligan

Lorsque tout bruit était muet dans la maison,
Et que mes sœurs dormaient dans des poses lassées
Aux fauteuils anciens d'aïeules trépassées,
Et que rien ne troublait le tacite frisson,

Ma mère descendait à pas doux de sa chambre ;
Et, s'asseyant devant le clavier noir et blanc,
Ses doigts faisaient surgir de l'ivoire tremblant
La musique mêlée aux lunes de septembre.

Moi, j'écoutais, cœur dans la peine et les regrets,
Laissant errer mes yeux vagues sur le Bruxelles,
Ou, dispersant mon rêve en noires étincelles,
Les levant pour scruter l'énigme des portraits.

Et cependant que tout allait en somnolence
Et que montaient les sons mélancoliquement
Au milieu du tic-tac du vieux Saxe allemand,
Seuls bruits intermittents qui coupaient le silence,

La nuit s'appropriait peu à peu les rideaux
Avec des frissons noirs à toutes les croisées,
Par ces soirs, et malgré les bûches embrasées,
Comme nous nous sentions soudain du froid au dos !

L'horloge chuchotant minuit au deuil des lampes,
Mes sœurs se réveillaient pour regagner leur lit,
Yeux mi-clos, chevelure éparse, front pâli,
Sous l'assoupissement qui leur frôlait les tempes ;

Mais au salon empli de lunaires reflets,
Avant de remonter pour le calme nocturne,
C'était comme une attente inerte et taciturne,
Puis, brusque, un cliquetis d'argent de chapelets...

Et pendant que de Liszt les sonates étranges
Lentement achevaient de s'endormir en nous,
La famille faisait la prière à genoux
Sous le lointain écho du clavecin des anges.
Emile NELLIGAN   (1879-1941)


vendredi 22 novembre 2013

Je m’en vais me manger !


Je m’en vais me manger ! Bétïa* ! Viens au moins et regarde bien, afin que, lorsque je trépasserai de cette vie à l’autre, tu puisses crier : « jésus ! » Par où est-ce que je dois commencer à me manger ? Je vais commencer par les pieds, car si je commençais par les mains, après, je ne pourrai plus m’aider à manger le reste. Bétïa, dis au moins un « pata-noster » pour moi ! Allons, adieu : je commence. Il se mord un mollet et se fait mal. Je ne pourrai certainement pas me manger tout entier. Mais je me mangerai assez pour crever d’indigestion.

La voix de Ruzante :

« Si je pouvais être sur
« Que tu m’aimes de bon cœur… »
« La faridondaine
« la faridondon
« Tirelireli
« tirelirela… »

Angelo Beolco, dit  Ruzante
(Né vers 1496 et mort le 17 mars 1542 à Padoue)
Est un écrivain, dramaturge et acteur italien du XVIe siècle.
Extrait de La Moscheta
Collection « scène ouverte »
Editeur L’Arche

*Bétïa est la femme de Ruzante.
La «langue moscheta» est une expression par laquelle on qualifiait un discours élevé.


jeudi 21 novembre 2013

Intermède: À quoi ça sert l'amour


Edith Piaf avec Théo Sarapo





Theophánis Lamboukas est le fils d'un couple d'origine grecque orthodoxe. Son père, coiffeur, s'établit près de Paris, à La Frette-sur-Seine (Seine-et-Oise, aujourd'hui Val-d'Oise). Le jeune Theophánis commence à chanter de bonne heure et participe à dix-huit ans à un concours de chant. Il fréquente une école de commerce et travaille dans le salon de coiffure de son père. En 1956, son service militaire l'amène à partir durant 33 mois en Algérie.
Revenu à Paris, il passe ses soirées à Saint-Germain-des-Prés, où un ami le fait connaître à Édith Piaf, qui le prend rapidement comme secrétaire. La grande chanteuse, divorcée depuis 1956 de son premier mari, est séduite par la voix remarquable du jeune homme. Elle l'encourage à suivre des cours de chant professionnel et lui donne comme nom de scène « Théo Sarapo », σαγαπώ ou s'agapó (« Je t'aime » en grec) étant le seul mot grec qu'elle connaisse.
Le 9 octobre 1962, à la mairie du 16e arrondissement de Paris, Théo Sarapo, âgé de 26 ans, épouse Édith Piaf qui a vingt ans de plus et est alors gravement malade. Le mariage religieux a lieu à l'église orthodoxe grecque.

mardi 19 novembre 2013

Joe


Terrain abandonné prés d’une voie ferrée.
Crépuscule.
Joe entre. Il porte un pantin rembourré qui fait à peu prés la moitié de sa taille, vêtu d’une veste aux couleurs vives, d’un pantalon gris sombre, d’une chemise blanche, d’une cravate rayée et de chaussures marron. Ses vêtements suggèrent un uniforme scolaire.

JOE. Tard. Noir bientôt. Ici c’était les potagers avant. Pour ça les petites cabanes. Elles s’écroulent. Ils disent quelles sont hantées. Araignées dedans. Pointe le doigt. Voie ferrée.
Pleure pas. J’aurais pas du t’amener avec moi aujourd’hui. Je t’ai amené parce que tu pleurais.
Maintenant tu pleurs encore plus. Tu as peur ? Tu n’aimes pas le noir. Ça ira pour cette nuit. Tu as faim ?  Je t’apporterais des bonbons demain matin. Quels bonbons je dois t’apporter ?
Mon gouter sera froid. Maman me fera la guerre. Elle attend pour sortir. Si tu pouvais marcher on rentrerait ensemble.  Je te lâcherais devant la porte de chez toi. Resterais dehors dans la rue. Les entendrais dedans t’engueuler d’être en retard. On en rirait demain matin. Ça c’était ma veste avant. Te l’ai passé quand j’ai trop grandi pour la mettre. Je mets toujours mes affaires dans les poches. Cachète secrète. Pleurs pas.
- maintenant il va pleurer encore plus. Quels bonbons tu veux ? Je les achèterai avec l’argent des clopes de maman. Dirai je l’ai perdu. Elle ne me croira pas. Je m’en fiche.
Pourquoi je te traine partout ? Tu me causes des ennuis. Pas allé en classe aujourd’hui à cause de toi
Maman ne veut plus de toi dans la maison. Elle t’enverrait à la vente de charité. « C’est là que tu l’as gagné à la tombola. Ramène-le. Tires-en un peu d’argent » ou te jetterait à la poubelle quand je suis en classe. Tu me fixes des yeux. Si tu étais réel on se disputerait. Ça serait fini ! Je te dirai barre-toi ! Je dois même parler à ta place. Parfois je m’entends parler et crois que c’est toi. Quelqu’un m’écouterait là il penserait que je suis fou. Faut qu’on arrête ! Je suis trop vieux pour toi ! Tu n’es rien ! Un pantin rembourré !
C’est pas ma faute si t’es pas réel. C’est mieux pour toi comme ça. Pas d’examens. Pas de commissions « range tout ça. Je ne vais pas nettoyer ta chambre ! »
Quels bonbons tu veux ? Je ne sais même pas ceux que tu préfères. Je te donne les miens. Je pensais juste que c’était ceux-là.
Sans lever les yeux. Quand il commence à faire noir le ciel est sale. Rayé. Oublié de se laver la figure.
...

Extrait de « Les enfants » et « Onze débardeurs »
Collection Scène ouverte
Éditeur : L’Arche

jeudi 14 novembre 2013

De toutes les couleurs


Je voudrais des petits cailloux
De toutes les couleurs
Comme ça, je pourrais les jeter
Sur les fenêtres du petit cabanon
En contre bas
Je voudrais des petits cailloux
Pour les jeter à la tête des gens
Plus petit encore,
Je les balançais
Sur le regard des filles de mon âge
A lunettes.



Le bonheur :


« Si l’on en croit la plupart des récits, le sage connait la joie suprême en s’absentant du bonheur lui-même, en préférant au bonheur toujours autre chose, en prétendant de surcroit que cet au-delà du bonheur est infiniment supérieur à ce que les insensés que nous sommes persistons, aveuglément, à quémander de l’existence.
Contrairement à ce qu’on croit généralement, ce goût pour le détachement du bonheur est actif aussi bien en Occident qu’en Orient. En fait, sous des attitudes au premier abord très différentes, comme celle d’Epicure et celle de Confucius, que rien ne semble relier, se discernent les lignes d’un même paradoxe – celui du bonheur par indifférence ».

Roger-Pol Droit : Les Héros de la sagesse aux éditions Flammarion.
Coût 9€.

La guerre

D'Olivier Baud

lundi 11 novembre 2013

Mes Philippines:

A 25 ans j’endossais l’identité d’assistant photographe pour un reportage de guerre aux Philippines.
(Comme mentionné sur mon passeport de l'époque).
Dans le Sud, (non loin de Mindanao la grande île où était concentrée la minorité musulmane et les séparatistes musulmans du Front Moro s’opposant depuis les années 1970 au pouvoir de Manille, très proche de l'Église catholique).
C’est auprès d’eux que nous avions pris rendez-vous.
J’ai vu là en janvier 1976 de jeunes guérilleros de 16 ans  poussés par leurs aînés âgés de 30 ou 40 ans. se jeter à l’assaut de militaires.
J’ai vu un journaliste correspondant de la "UNE" (chaîne de télévision française de l’époque) offrir à l’un des chefs de la guérilla un poignard allemand portant l’insigne nazi sur son pommeau parce que ce guérillero faisait collection de poignards.
Quelques jours plus tard, vers midi ou une heure de l’après-midi, et suite à un assaut commandité par la presse contre des militaires, et ce, afin de pouvoir revenir en France avec des images…
J’ai vu deux jeunes hommes allongés à terre et dépossédés de la moitié de leur visage de par l’impact du projectile qui les avait frappés.
Les mouches déjà par centaines se repaissaient de cette blessure.
D’autres combattants, frères, sœurs ou amis, (une vingtaine) préparaient  la niche qui devait protéger leur corps dans la mort. Les linges blancs des linceuls venaient d'être apportés.
Nous filions en file indienne, nous remontions par un chemin noyé de soleil et sec. C’est le souvenir que j’en ai. Notre étrange travail nous empêchait d’éprouver de quelconques sentiments. Il me restait alors quelques mètres au dessus d’eux l’image de deux visages anonymes et meurtris.
Le lendemain, après une nuit agitée où nous entendions à intervalles réguliers les explosions de possibles mortiers ; on me dit que les militaires avaient alors détruits par le feu depuis la mer tout un village et cela pour un jeu de rôle déloyal. Celui que nous avions créé.
J’avais 25 ans, aujourd’hui j’en ai 56. J’ai si peu parlé de cela.
En ouvrant ce matin le passeport de ce voyage dont une grande partie c’est faite (depuis la Malaisie) dans une totale discrétion, clandestinement, avec l’aide de contrebandiers ; je vois que notre retour des Philippines au port de Sandakan (Malaisie, au nord-ouest de l'île de Bornéo) s’est officiellement effectué le 3 février 1976.
Je revenais de cette jungle les chevilles quelque peu gangrenées.
Ecrit en 2006.

Rebelle du Front de libération islamique Moro.

vendredi 8 novembre 2013

Martial Caillebotte (1853-1910) "Credo"


Martial Caillebotte: Messe solennelle de Pâques « Credo »

 Mathilde Verolles, soprano ; Patrick Garayt, ténor ; Eric Martin-Bonnet, basse ; Mathias Lecomte, orgue
 Chœur régional Vittoria d’Ile-de-France
 Orchestre Pasdeloup
 Michel Piquemal, direction
 1CD aux éditions Sisyphe020



jeudi 7 novembre 2013

"Les dragons de notre vie" A Franz Xaver Kappus.


Sisyphe par von Stuck

Peut-être tous les dragons de notre vie sont-ils des princesses qui n’attendent que le moment de nous voir un jour beaux et courageux. Peut-être que toutes les choses qui font peur sont au fond des choses laissées sans secours qui attendent de nous le secours. Pensez qu’il se produit quelque chose en vous, que la vie ne vous a pas oublié, qu’elle vous tient dans sa main ; elle ne vous abandonnera pas. Pourquoi voulez-vous exclure de votre vie toute inquiétude, toute souffrance, toute mélancolie alors que vous ignorez leur travail en vous.
Aussi, ne devriez-vous pas vous effrayer quand se lève devant vous une grande tristesse, comme vous n’en n’avez jamais vu de tel.
Pourquoi vouloir vous torturer en vous demandant d’où tout cela peut bien venir et à quoi tout cela aboutira ?
Vous savez bien que vous êtes dans des états transitoires et que vous ne désirez rien tant que de vous transformer. Si certains de vos états sont maladifs, considérez que la maladie est le moyen qu’a l’organisme pour se libérer de ce qui lui est étranger ; il faut alors simplement l’aider à être malade, à avoir la maladie dans sa totalité, à la laisser se déclarer, car c’est par là qu’il progresse…
Vous êtes le médecin qui doit veiller sur lui même… Et voilà ce qu’il faut faire avant tout pour autant que vous soyez votre médecin.
Rainer Maria Rilke « lettres à un jeune poète » 1904
Le livre de poche (environ 5€uros)

René Karl Wilhelm Johann Josef Maria Rilke
Ancien secrétaire du sculpteur Auguste Rodin était né dans une famille désunie. Une solitude dès l'enfance.
Plus tard, il se détache de tout et erre entre l'Italie, la Russie, en Espagne, au Danemark, A Prague, Munich et Berlin, en France et en Suisse. Dans la solitude.
« Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même et ne rencontrer pendant des heures personne, c'est à cela qu'il faut parvenir. Etre seul, comme l'enfant est seul. »

samedi 19 octobre 2013

Entre Ecuador y Colombia:


(Alberto est un homme de quatre-vingt ans).
Nous finirons par arriver à bon port, devant sa petite maison qui ne paie pas d'mine, ressemblant plus à un garage qu'à une habitation, posée au milieu du hameau de Palestina...
Je lui remets souriant les sacs et les 36 citrons, nos mains se rejoignent à nouveau pour n'en former qu'une...
Yeux dans les yeux, nos sourires pleins et sincères dessinés sur nos visages, une émotion vive planant sur nous...
Il me dit et me répète un mot, encore et encore, que je tarde à comprendre, me montrant le ciel, et me pointant du doigt... ça y est, je saisi et lui souris... le voilà qui me bénit de ses dieux... pour l'avoir aidé et accompagné de la sorte... Ah mon bon Alberto... si tu savais… moi c'est la Vie à qui je souris, de m'avoir offert ta rencontre, ta "lenteur sage", ton pas sûr et ton "juste souffle"... comme une nouvelle inspiration que tu m'impulses pour ma suite. Sourire à la vie de nous avoir offert cette croisée de chemin, où nous avions chacun du beau en cadeau, Alberto.
De Benjamin Dubost
« Twinlaïne » de Benjamin Dubost.

 

jeudi 17 octobre 2013

Affamé, transi, affolé, indigent on ne choisit pas.


Affamé, on ne choisit pas sa pitance ;
Transi, on ne choisit pas ses habits ;
Affolé, on ne choisit pas sa route ;
Indigent, on ne choisit pas sa femme.


"Au bord de l'eau" Volume 1 traduit du chinois, présenté et annoté par Jacques Dars
Editions Folio 1142 pages.

mardi 8 octobre 2013

Au salon Arletty


« Il n’y a pas fort longtemps que monsieur de Lanty possède cet hôtel ?
- Si fait. Voici bientôt dix ans que le maréchal de Garigliano le lui a vendu…
- Ah !
- Ces gens-là doivent avoir une fortune immense ?
- Mais il le faut bien.
- Quelle fête ! Elle est d’un luxe insolent.
- Les croyez vous aussi riche que le sont monsieur de Nucingen ou monsieur de Gondreville ?
- Mais vous ne savez donc pas ? »
Personne ne savait de quel pays venait la famille de Lanty, ni de quel commerce, de quelle spoliation, de quelle piraterie ou de quel héritage provenait une fortune estimée à plusieurs millions. Tous les membres de cette famille parlaient l’italien, le français, l’espagnol, l’anglais et l’allemand, avec assez de perfection pour faire supposer qu’ils avaient dû longtemps séjourner  parmi ces différents peuples. Etaient-ce des bohémiens ? Étaient-ce des flibustiers ?
« Quand ce serait le diable ! disaient de jeunes politiques, ils reçoivent à merveille. »
«  Le comte de Lanty eût-il  dévalisé quelques Casauba, j’épouserais bien sa fille ! » s’écriait un philosophe.
Qui n’aurait épousé Marianina, jeune fille de seize ans, dont la beauté réalisait les fabuleuses conceptions des poètes orientaux ?

Extrait de « Sarrasine »
De Balzac
Editions Libretti
Coût 1,50€

vendredi 4 octobre 2013

samedi 31 août 2013

Avant ton anniversaire


Avant ton anniversaire,
J’irai fleurir de visnages
Ta robe pourpre
Et ta tunique moirée
Avant ton anniversaire,
De petits étendards colorés agitent déjà
Les ailes frémissantes des messagers.
Avant ton anniversaire
Il me faudra rire, rire et pleurer
Réciter de courts mantras tibétains
Avant ton anniversaire
...

lundi 26 août 2013

"je parle des instants les plus intenses de nos vies"


« Les images oniriques ont quelque chose des galets qui sont dans l’eau. Qui brillent sous l’onde glacée qui file entre les menthes. Leur beauté fait qu’on se penche. On ne résiste pas à l’envie de s’agenouiller dans l’odeur merveilleuse qui s’élève des petites feuilles dentelées et duveteuses des menthes qu’on écrase au-dessus de l’Yonne. On roule la manche plus haut que le coude. On plonge la main dont la chair se met à frémir de froid.
Les doigts glacés et blancs cueillent ces pierres au fond de la transparence ; ils les rapportent à la lumière ; l’eau en dégoutte ; l’air les assombrit ; les yeux se découragent ; je parle des instants les plus intenses de nos vies ; leur attrait se dérobe ; nous ne savons plus ce que ces pierres qui chatoyaient voulaient nous dire ; on ne sait plus pourquoi, spontanément, on s’était mis à genoux ».
Pascal Quignard. La barque silencieuse.

Le petit appartement du rez-de-chaussée (nouvellement aménagé).


Mme Hume
« Ne vous inquiétez pas s’il se conduit de façon un peu bizarre.  Il s’emporte souvent, mais ça ne signifie pas grand-chose. Les dernières semaines ont été pénibles pour lui. L’homme qui s’occupait de lui pendant trente ans est mort en septembre, (dernier) et il a de la peine à si faire. »
Mme hume me fit signe de m’assoir sur le canapé
Un silence
Emmett Fogg, disait le vieillard, en crachant les mots avec mépris. Quelle sorte de nom est-ce là ?
-M. S. Fogg, répliquai-je. M. comme Marco, S. comme Stanley.
- Ca ne vaut pas mieux.  C’est même pire. Comment allez-vous arranger ça, jeune homme ?
- Je ne vais rien arranger du tout. Mon nom et moi avons vécu beaucoup de choses ensemble, et avec le temps je m’y suis attaché. »
Monsieur Effing ricana, une sorte de rire grognon qui paraissait écarter le sujet une fois pour toutes. Aussitôt après, il se redressa dans son fauteuil. La rapidité de transformation de son apparence fut surprenante. Il ne ressemblait plus à un demi-cadavre comateux perdu dans une rêverie crépusculaire ; tout en nerfs et en attention, il était devenu une petite masse effervescente de force ressuscitée.
Il se pencha en avant sur son siège, comme pour m’indiquer que l’entrevue allait commencer pour de bon. Malgré les caches noirs sur ses yeux, son regard était dirigé droit vers moi. « Répondez-moi, monsieur Fogg, êtes vous un homme de vision ? »
- je croyais l’être, mais je n’en suis plus tellement certain.
- quand vous avez un objet devant les yeux, êtes vous capable de l’identifier ?
- la plupart du temps, oui. Mais dans certains cas c’est assez difficile.
- par exemple ?
-par exemple, j’ai parfois la peine à distinguer les hommes des femmes dans la rue. Tant de gens ont maintenant les cheveux longs, un coup d’œil rapide ne renseigne pas toujours. Surtout si l’on a  affaire à un homme féminin ou à une femme masculine.  Les signaux peuvent être plutôt confus.
-et quand vous êtes en train de me regarder, quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit ?
- je dis que je regarde un homme assis dans un fauteuil roulant.
-un vieil homme ?
- oui, un vieil homme.
- un très vieil homme ?
- oui, un très vieil homme
Moon Palace
De Paul Auster
Le Livre de Poche
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Le petit appartement du rez-de-chaussée


- Avez-vous remarqué quelque chose de particulier à mon propos jeune homme ?
- Les caches sur vos yeux, sans doute. Et le fait que vos jambes paraissent paralysées.
- Oui, oui, mes infirmités. Elles sautent aux yeux n’est-ce pas ?
- D’une certaine manière, oui.
- Et qu’avez-vous conclu au sujet des caches ?
- Rien de précis. J’ai d’abord cru que vous étiez aveugle, mais ce n’est pas nécessairement évident. Si on ne voit pas pourquoi prendre la peine de se protéger la vue ? Ca n’aurait donc aucun sens,      donc, j’envisage d’autres possibilités. Les caches dissimulent peut-être quelque chose de pire que la cécité. Une difformité hideuse, par exemple. Ou bien vous venez d’être opéré, et vous devez les porter pour des raisons médicales. D’autre part, il se pourrait que vous soyez parfaitement aveugle et que la forte lumière vous irrite les yeux. Ou qu’il vous plaise de les arborer pour eux-mêmes, parce que vous les trouvez jolis. Il y a des quantités de réponses possibles à votre question. Pour le moment je ne dispose pas d’assez d’informations pour dire quelle est la bonne. À vrai dire, la seule chose dont je suis sûr est que vous portez des caches noirs sur les yeux. Je peux affirmer qu’ils sont là, mais je ne sais pas pourquoi ils sont là.
- autrement dit, vous ne considérez rien comme acquis ?
- cela peut-être dangereux. Il arrive souvent que les choses soient différentes de ce qu’on croit, et on peut s’attirer des ennuis en se faisant une opinion à la légère.
...
Moon Palace
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Le Livre de Poche
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mercredi 24 juillet 2013

Intèrmède : Ray Charles, ouvrait son cœur devant un big band classieux en 1997.

Toujours à Montreux.

Le dormeur du val


C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur RIMBAUD   (1854-1891)


mercredi 3 juillet 2013

Dédicace

Fol l’épi de blé
la graminée, la fleur bleue
et ces tranches de citrons
posés sur ta poitrine.
Tu t'es bruni à courir dans la prairie
les pieds meurtris par la broussaille
ardent,
 vif,
indompté
brusque.
Là dans l'herbe si verte
donne un coup fatal
puisque le rouge
sied si bien
aux herbes endeuillées.
Froid couteau
amulette pour un mort
mélancolie chaude de chaux vives.
la blessure (une nouvelle fois) mortelle
est d’un rouge cerise
comme la segmentation
du fruit
poisseuse aux doigts.
Meurtrissure anoblie
par l’éclat du métal
en un geste amical
à l’ombre ambrée de ton visage
sang et or
celui de tes cheveux.
Je ne savais rien de tes humeurs assassines
ni de tes yeux verts olive
dans l’esquisse bleutée des chênes lièges.
La poussière andalouse est sanguine
et l’accolade trop vive
comme un soleil brisé de milles lunes.
Je me repais de ta force
et du froid glacial qui entame mes veines.
La cannelle de ton sein
à mes lèvres troublées
adoucie ma douleur.
Achève en hôte enfin
ton geste salvateur
et le jasmin demain couronnera
ta pensée
au verdict sombre et froid
d’un juge pour nos peines.
Mais le souvenir est vif
de toi, tout simplement
courant dans la prairie
irrésistible
jusqu’à ton coup porté.

lundi 1 juillet 2013

L’échappée belle!

Copyright: Benjamin Dubost et ses amis.


Benjamin Dubost joue: « Ballandan »

Des jambes en bas bleu ciel


FRANK WEDEKIND
L’EVEIL DU PRINTEMPS
Tragédie enfantine
(Écrite de l’automne 1890 à pâques 1891)
Traduit de l’allemand par François Regnault
Préface
De Jacques Lacan
Intervention de Freud sur
L’éveil du printemps
A la société psychologique du mercredi
A Vienne, en 1907


Ainsi un dramaturge aborde en 1891 l’affaire de ce qu’est pour les garçons de faire L’amour avec les filles, marquant qu’ils n’y songeraient pas sans l’éveil de leurs rêves.
Remarquable d’être mis en scène comme tel : soit pour s’y démontrer ne pas être pour tous satisfaisant,  jusqu’à avouer que si ça rate, c’est pour chacun.
Autant dire que c’est du jamais vu.
Jacques Lacan
Le 1° septembre 1974.

Deux enfants :
Les garçons Melchior Gabor et Moritz (Maurice) Stiefel.

Moritz : Les as-tu déjà ressenties
Melchior : Quoi ?
Moritz : Comment tu disais ?
Melchior : Les excitations mâles
Moritz : Heu…
Melchior : Sans contredit !
Moritz : Moi aussi……………….
Melchior : Je connais ça depuis longtemps, oui ! Déjà bientôt un an.
Moritz : Moi, j’étais comme touché de la foudre.
Melchior : Et tu avais rêvé ?
Moritz : Mais seulement un rêve très court… des jambes en bas bleu ciel, qui montaient sur le pupitre, pour être exact, j’ai seulement pensé quelles voulaient l’enjamber. Je les ai vues  très furtivement.
Melchior : Georg zirschnitz, lui, a rêvé de sa mère.
Moritz : Il te l’a raconté ?
Melchior : Dehors, sur le chemin du supplice.
Moritz : Si tu savais par quoi je suis passé depuis cette nuit-là !
Melchior : Des remords ?
Moritz : Des remords ??... L’angoisse de la mort.
Melchior : Seigneur Dieu…
Moritz : J’ai pensé : je suis incurable. Je croyais souffrir d’un mal intérieur. Pour finir, je n’ai trouvé quelques repos que le jour ou j’ai commencé à rédiger mes Mémoires. Oui, oui, cher Melchior, ces trois dernières semaines, un Gethsémani pour moi.
Melchior : Moi, dans mon cas, je m’y trouvais plus ou moins préparé. Seulement une légère honte, et puis, ce fut tout ma foi.
Moritz : Et pourtant tu as au moins un an moins que moi.
Melchior : A ta place, je ne m’en inquiéterais pas. D’après mes expériences, il n’y a pas d’âge fixé pour le premier surgissement de ces fantômes.  Tu connais bien le grand Lämmermeier, le blond filasse avec le nez en bec d’aigle ? Trois ans de plus que moi. Jeannot Rilow dit qu’il ne rêve encore que tartes à la crème et gelée d’abricots.

La pièce de Wedekind est pleine de mérites. Ce n’est pas une grande œuvre d’art, mais elle restera comme un document, qui intéresse l’histoire de la civilisation et des mœurs.
Freud
Le 1° février 1907.

FRANK WEDEKIND
L’EVEIL DU PRINTEMPS
   NRF
Gallimard

samedi 29 juin 2013

"Paris has got guns and girls"


ARTE Radio Un groupe de collégiens de Londres en visite à Paris fait un tour au studio de la Cité de la Musique. Une heure avant de repartir pour l'Angleterre, ils se livrent à un exercice d'improvisation, voix et percussions. Carte postale d'au-revoir à leurs homologue parisiens du collège Michelet (Paris 19e) qui les avaient accueillis, inspirée par leurs promenades à Montmartre la veille au soir, par temps de brume... Merci à Christophe Rosenberg, qui coordonne les activités pédagogiques du studio son de la Cité de la Musique, de nous avoir transmis ce morceau. Enregistrement : 1999 Réalisation, mixage, montage : Christophe Rosenberg & Damien Philipidhis

lundi 24 juin 2013

Au salon Arletty:


Là, fourmillaient, s’agitaient et papillonnaient les plus jolies femmes de Paris, les plus riches, les mieux titrées, éclatantes, pompeuses, éblouissantes de diamants ! Des fleurs sur la tête, sur le sein, dans les cheveux, semées sur les robes, ou en guirlandes à leurs pieds.
C’était de légers frémissements de joie, des pas voluptueux qui faisaient rouler les dentelles, les blondes*, la mousseline autour de leurs flancs délicats. Quelques regards trop vifs perçaient ça et là, éclipsaient les lumières, le feu des diamants et animaient encore des cœurs trop ardents.
On surprenait aussi des airs de tête significatifs pour les amants, et des attitudes négatives pour les maris. Les éclats de voix des joueurs, à chaque coup imprévu, le retentissement de l’or se mêlaient à la musique, au murmure des conversations ;  pour achever d’étourdir cette foule enivrée par tout ce que le monde peut offrir de séductions, une vapeur de parfums et l’ivresse générale agissaient sur les imaginations affolées.

* Dentelles de soie. Courant d’air.

Extrait de « Sarrasine »
De Balzac
Editions Libretti
Coût 1,50€

vendredi 21 juin 2013

Solstice d'été à l'hôtel: jour de pluie.


Carmen Linares



La vingt-troisième édition du Festival flamenco de Nîmes a apporté une nouvelle preuve que le Sud de la France, et Nîmes en particulier, sont regardés comme des territoires flamencos, non seulement par les Gitans et les enfants de l’immigration espagnole qui y vivent, mais aussi par les plus grands artistes andalous qui adorent s’y produire. Ceux-ci se montrent très sensibles à l’afición qu’ils y sentent. Cette année, la plupart des spectacles ont proposé différentes synthèses de ce qui fait aujourd’hui l’extraordinaire richesse de l’arte flamenco.
C’est à la fin du XVIIIème siècle que remonte l’apparition des premiers cantaores. Dépourvue d’accompagnement musical, leur plainte est nue, sauvage, c’est un cri déchirant, l’expression d’un trop-plein de souffrance, écho des siècles de silence et d’oppression. Toute l’esthétique flamenca est née de ce cri primordial. Aujourd’hui encore, la plupart des cantes débutent par un « ay » douloureux. Au cours du XIXème siècle, un ensemble va peu à peu se constituer, qui regroupera différents palos, (« genres » ou « formes ») définis par un rythme, une harmonie et une humeur spécifiques. Les plus anciens de ces chants, tonás, martinetes, soleares et siguiriyas, constituent ce que l’on appelle le cante jondo (« chant profond »). L’accompagnement à la guitare y est encore rare, souvent réduit à quelques accords. Mais avec la professionnalisation du flamenco, des groupes se forment pour proposer des spectacles plus complets, englobant les trois principales disciplines du flamenco, le chant, la danse et la guitare. Le répertoire s’étend alors.
Depuis les années 70, il s’est en outre ouvert à toutes les modernités musicales et chorégraphiques. Pop, jazz, contemporain, oriental, aucun registre ne lui résiste, sa dynamique propre lui permettant toujours de rester un et multiple à la fois.


mercredi 19 juin 2013

L'autre jardin


Copyright: Raphael Hanart.

Ce qui compte ?

Ce qui compte ? voler, voir la terre de très haut, parler aux cigognes, devenir ouragan ou fouet, flèche, éclair, n’être plus qu’une action continue,  fluide, instantanée, qui ignore ce que veut dire hésiter, trembler, échouer – et même vouloir.

Roger-Pol Droit : Les Héros de la sagesse aux éditions Flammarion.
Coût 9€.

mercredi 12 juin 2013

"De nuit je me suis énamouré"


De nuit je me suis enamouré
Et la lune m'a dupé
La prochaine fois quand je m’enamourerai petite,
Que ce soit de jour en plein soleil.
*
Au bord de la mer
Je dois aller vivre
Pour voir si je vois venir
Le petit bateau de pêche.

Et si je le vois sur les flots,
Sur lui tu dois m’embarquer
Mon amant est jeune marin
Il navigue sur la mer.
*
De sources en rivières,
Je t’aperçois toujours au lavoir
Ensorceleuse de mes yeux
Qui navigue sur la mer

On me dit de t’attendre encore
Mais moi je ne puis attendre
Ensorceleuse de mes yeux,
Qui navigue sur la mer


lundi 10 juin 2013

L'autre jardin


Scène 4
Eglé un instant seule,
Azor parait vis-à-vis d’elle


Eglé, continuant et se tâtant le visage. Je ne me lasse point de moi. (Et puis, apercevant Azor, avec frayeur.) Qu’est-ce que c’est que cela, une personne comme moi ?... N’approchez point (Azor étendant les bras d’admiration et souriant. Eglé continue.) La personne rit, on dirait qu’elle m’admire. (Azor fait un pas.) Attendez… ses regards sont pourtant bien doux… savez-vous parler ?
Azor. Le plaisir de vous voir ma d’abord ôté la parole ;
Eglé, gaiement. La personne m’entend, me répond, et si agréablement !
Azor. Vous me ravissez.
Eglé. Tant mieux.
Azor. Vous m’enchantez.
Eglé. Vous me plaisez aussi.
Azor. Pourquoi donc me défendez-vous d’avancer ?
Eglé. Je ne vous le défends plus de bon cœur.
Azor. Je vais donc approcher.
Eglé. J’en ai bien envie. (Il avance.) Arrêtez un peu… que je suis émue !
Azor. J’obéi, car je suis à vous.
Eglé. Elle obéit ; venez donc tout à fait, afin d’être à moi de plus près. (Il vient.) Ah ! La voilà, c’est vous, qu’elle est bien faite ! En vérité, vous êtes aussi belle que moi.
Azor. Je  meurs de joie d’être auprès de vous, je me donne à vous, je ne sais pas ce que je sens, je ne saurais le dire.
Eglé. Hé ! C’est tout comme moi.
Azor. Je suis heureux, je suis agité.
Eglé. Je soupire.
Azor. J’ai beau être auprès de vous, je ne vous vois pas encore assez.
Eglé. C’est ma pensée, mais on ne peut pas se voir davantage, car nous sommes là.


La dispute
Marivaux (1688-1763)
www.librio.net
Coût 2€uros


mercredi 5 juin 2013

De David Kawan : -Saisons- Chansons un peu tristes - à M.


David Kawan : -Saisons-
Chansons un peu tristes - à M.

Divertimento

Souffle les pavés du canal
Mêle une larme à mon ruisseau
Énumère les heures du bancal
De courants d'air en courants d'eau

Divertimento

Dessine ta main à l'encre noire
Confie ton envie aux impros
Viens dans ma nuit et fais lui voir
Ta frime c'est bien plus que l'ego

Divertimento

Renomme un à un les nuages
Désaxe le ciel au saxo
Effeuille le lit des outrages
Que j'y fasse vriller ton solo

Si seulement nous avions su
Nous défaire de cette évidence
Garder la raison bien en vue
Quand nos corps brûlaient d'inconscience

Si seulement nous n'avions pas
Cru que le désir est sincère
Nous aurions su que cette affaire
N'était que...

Raconte-nous une belle histoire
Fais de la rime sur mon dos
Tes souvenirs d'enfant Mozart
Rejoue-les moi en legato

Divertimento

Pointe de ton pas mon Paris
Accorde une aumône aux moineaux
Ouvre-moi tes sens interdits
Donne ta rue à mon badaud

Divertimento

Incendie-moi et sans le dire
Ton feu de paille à fleur de peau
Peut bien ravager mon empire
Donner ton sang à mes sanglots

Si seulement nous avions fait
Ce que nous disaient les plus sages
Nous aurions compris bien plus tôt qu'il est
Périlleux de croire aux mirages

Si seulement je n'avais plus
Tenté de conjurer le sort
Alors que tu ne faisais que
Céder au...

Encanaille-moi dans le factice
Travestis un dernier tango
Retiens les gestes qui trahissent
Reprends ce qui serait de trop

Divertimento

Vends-moi des toujours à crédit
Laisse passer encore un métro
Pour un baiser comme un répit
Comme un adieu mais sans le mot

Divertimento

Mets donc un point à mon final
Et finalement de là-haut
Regarde-moi dans le banal
Tu pourrais bien me trouver beau

Si seulement je t'oubliais
Comme toi tu le fis aussitôt
Que se perdit notre chemin
Tout en bas de la rue Soufflot

Si seulement j'oubliais tout
Ce qui agite mon cerveau
Pourrais-je moi aussi prendre goût
Pour ce jeu...

Divertimento
Divertimento
Divertimento
Divertimento

"TwinlaÏne" de Benjamin Dubost

A droite, Benjamin Dubost
Copyright?



Un ploc dans l'eau

Haïku

« Paix du vieil étang.
Une grenouille plonge.
Bruit de l'eau. »

(Poète japonais du XVII siècle)



vendredi 31 mai 2013

On m'a piqué ma voiture...

On m'a piqué ma voiture, dans ma rue... Je suis allé à la « Cerisaie » en vélo sous la pluie, un quart d'heure de pluie.
Au retour une autre pluie, un autre quart d'heure. Elle, féroce à faire de vous, ce que je fus, à mon corps défendant, une soupe « Liebig ».
Sur la nationale, des escargots réglaient tant bien que mal la circulation sous leur parapluie translucide en colimaçon.
Je crus entendre le cri d'une mouette.
Cette nuit, je vous le promets, je ne fumerai plus la moquette.
Pour ne pas avoir d’ennuis avec le concierge de l’hôtel.

L'escargot
Olivier B.
Atelier d'art brut
"La cerisaie"