Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

vendredi 31 mai 2013

On m'a piqué ma voiture...

On m'a piqué ma voiture, dans ma rue... Je suis allé à la « Cerisaie » en vélo sous la pluie, un quart d'heure de pluie.
Au retour une autre pluie, un autre quart d'heure. Elle, féroce à faire de vous, ce que je fus, à mon corps défendant, une soupe « Liebig ».
Sur la nationale, des escargots réglaient tant bien que mal la circulation sous leur parapluie translucide en colimaçon.
Je crus entendre le cri d'une mouette.
Cette nuit, je vous le promets, je ne fumerai plus la moquette.
Pour ne pas avoir d’ennuis avec le concierge de l’hôtel.

L'escargot
Olivier B.
Atelier d'art brut
"La cerisaie"

Intermède : Stacey Kent "Ces Petits Riens"


lundi 27 mai 2013

Yvonne Thomas Ganzo et Robert Ganzo.



Un dimanche, au 9 bis Rue de Magdebourg 75016
Dans leur studio, Yvonne Thomas-Ganzo et Robert enregistrent sur des cassettes des morceaux choisis.
Aussi, Sur une musique de Christiane Verger, Yvonne chante « Suicide »  de Robert Ganzo ;
"Le poète assassiné", et "l'attente"  (trois des chansons du poète).
Enfin, Robert Ganzo se lit lui-même, Laissant en terminant le micro à son épouse Yvonne qui dit de lui un "texte confus".


lundi 20 mai 2013

Serge Pey, fut applaudi ce matin lauréat du prix Robert Ganzo de poésie 2013.

Serge Pey
Étonnants Voyageurs

2013.


... Je partagerai avec lui, le désir que nous avons (parfois) de nous lever de façon insurrectionnelle contre les barbaries institutionnalisées qui amputent nos âmes et nos corps.

Serge Pey, à voix haute
Personnage grand format ! Parmi les poètes, proférateurs et rimeurs modernes, Serge Pey est à ce jour l’un de ceux dont le verbe porte le plus haut. Enfant de l’immigration et de la guerre civile espagnole, il est de tous les combats, militant contre la guerre de Vietnam, libertaire convaincu, en mai 68, qu’il prend comme une insurrection de la dimension poétique en chaque être. Poète, il sera, dès lors, avec passion, adepte de la performance scénique qui pour lui représente l’articulation entre écrit et oralité.
Partisan de la déclamation en tout lieu, il est l’un des représentants les plus déterminants et déterminés  de l’action poétique contemporaine. Ahuc : poèmes stratégiques 1985-2012, retrace l’ensemble de son parcours et permet de situer l’auteur à sa juste place dans la littérature contemporaine.

Ahuc : poèmes stratégiques 1985-2012
Edités en décembre 2012 aux éditions Flammarion ; on verra notamment comment l'influence surréaliste initiale s'y déploie selon une logique nouvelle, marquée par les arts ancestraux et les visions des peuples premiers. L'auteur a également tenu à enluminer son livre : une cinquantaine d'inscriptions et de dessins viennent ainsi enrichir ses poèmes, de toute leur lumière matérielle.
Saint-Malo : Etonnants Voyageurs 18/19/20 mai 2013.



vendredi 17 mai 2013

Le Prix Robert Ganzo (1898-1995) de poésie sera attribué cette année à Serge Pey.


("Portrait de Robert Ganzo" eau-forte de Jacques Villon (1957) ;
 "La Vénus de Lespugue", photo RMN)
Sous la houlette du festival international du livre et du film produit par l’association «Étonnants voyageurs».
La remise du Prix Robert Ganzo 2013 aura lieu le lundi 20 mai à 10h15, à la Rotonde Surcouf.

Le Prix Robert Ganzo de poésie est décerné par la Fondation Robert Ganzo, sous l’égide de la Fondation de France, et ce grâce à la donation de son épouse Yvonne Thomas Ganzo aujourd’hui décédée.
Ce prix est pérenne et a été octroyé pour la première fois en avril 2007, sous la houlette du festival international du livre et du film produit par l’association « Étonnants voyageurs».

Robert Ganzo, l’amant de la Vénus de Lespugue

Sept poèmes suffisent à jucher un poète au plus haut. De grands poèmes d'une pureté cristalline et d'une densité sans équivalent. Mais il n'en a fallu pas plus de sept de cette encre pour constituer l'œuvre du vénézuélien Robert Ganzo (1898-1995). Ils s'intitulent "Orénoque", "Rivière", "Lespugue", "Domaine", "Langage", "Colère", Résurgences" et ils ont été écrits entre 1937 et 1954 et publiés dans des tirages confidentiels. Gallimard en avait édité le recueil en 1997 sous le titre L'œuvre poétique toujours disponible.
Ne partez pas sans emporter un poème, pour la route. Pourquoi pas le plus fréquemment cité, Lespugue, ainsi nommé d'après ce désormais fameux hameau perdu en Haute-Garonne où l'on découvrit un chef d'œuvre de l'art préhistorique, une statuette aurignacienne en ivoire de mammouth dite "Dame de Lespugue" ou encore "Vénus de Lespugue". Robert Ganzo avait entretenu un long commerce avec l'art pariétal, les armes de ce temps, les rêves de ces premiers hommes, jusqu'à en être l'intime. Son poème puise sa tension dans cette très ancienne imprégnation autant que dans la présence à ses côtés de sa compagne et dédicataire en ces premiers mois de 1940 :

"(...) Le Jour. Regarde. Une colline/ répand jusqu'à nous des oiseaux, / des arbres en fleurs et des eaux/ dans l'herbe verte qui s'incline. / Toi, femme enfin -chair embrasée-/ comme moi tendue, arc d'extase, / tu révèles soudain ta grâce/ et tes mains soûles de rosée (...)

Tes yeux appris aux paysages/ je les apprends en ce matin, / immuable à travers les âges/ et sans doute à jamais atteint. / Déjà les mots faits de lumière/ se préparent au fond de nous;/ et je sépare tes genoux, / tremblant de tendresse première.

(...) Où finis-tu ? La terre oscille ; / et toi, dans le fracas de monts, / déjà tu renais des limons,/ un serpent rouge à la cheville ;/ femme, tout en essors et courbes/ et tièdes aboutissements,/ lumière, et nacre, ombres et tourbes/ faites de quels enlisements?"

(...) Ton torse lentement se cambre/ et ton destin s'est accompli. / Tu seras aux veilleuses d'ambre/ de notre asile enseveli,/ vivante après nos corps épars,/ comme une présence enfermée,/ quand nous aurons rendu nos parts/ de brise, d'onde et de fumée".


Bibliographie sur Robert Ganzo.

En 2005 est parue aux éditions du Castor Astral une biographie du poète sous la plume de Pierre Citron.
En 2009 une deuxième biographie du poète parait sous la plume de Robert Maillard aux éditions Slatkine (Genève) avec une préface de B. Mermod, ainsi qu’une documentation (noirs et couleurs)


Serge Pey :

Serge Pey est un écrivain et poète français né à Toulouse le 6 juillet 1950. Il a créé une revue nommée Émeute en 1975, suivie de Tribu en 1981. Avec Los Afiladores : les aiguiseurs de couteaux, il met en œuvre la poésie d'action-Flamenco. Maître de conférences à l’université de Toulouse-Le Mirail, Serge Pey dirige le séminaire de poétique d’action et l’atelier de poésie du CIAM. Créateur de situations, il rédige ses textes sur des bâtons avec lesquels il réalise ses scansions, ses performances et les rituels de ses poèmes d'action. Poète de la rupture des frontières de l’art, plasticien, théoricien et critique, il explore les phénomènes de ritualisation du langage dans la pratique orale du poème.

Extraits sur Youtube: (cliquer sur le lien ci-devant).

Un livre : Le trésor de la guerre d’Espagne de Serge Pey, éditions Zulma.
« Il y a un tel bonheur de conter chez Pey qu’on ne peut s’empêcher de se délecter de chacun de ces épisodes tragiques ou pathétiques. Rarement une écriture aura rendu avec une telle intensité la mémoire à la vie ».


http://www.zulma.fr/livre-le-tresor-de-la-guerre-despagne-572005.html


Quelques éléments généalogiques concernant la famille Ganzo.

Rapportés par Catherine Henri Ménassé (fille de David Ménassé).
La famille Nathan (dont Isaac Nathan beau père plus tard de Moise lui même père de Robert Ganzo) est installée à Constantinople et dans le courant des années 1880, Isaac Nathan quittera la Turquie, avec toute sa famille, (Raphaël, Esther, Sarah, et Virginie) pour se rendre au Caire où il ouvre un commerce d'importation de tissus. A la suite d'une fête, Moïse Ganzo, (père de Robert Ganzo) qui habite alors à Port Saïd, et tient un commerce de colifichet, de dentelles et de soieries. Venant de France, il rencontre Esther, et l'épouse six mois plus tard.
L'année suivante tout le monde part au Venezuela, du fait de la situation politique complexe qui règne en Égypte.
Robert Ganzo fils de Moïse et d’Esther naît le 22 août 1898 à Caracas. Cette naissance est suivie 18 mois plus tard, par celle d’une petite Gracia et par celle de Rachel (vers 1910).
Au Venezuela Isaac Nathan se fait appeler « El-Baba », surnom qui lui restera.
En 1902, alors que la situation économique devient mauvaise pour lui à Caracas, « El-Baba » décide de partir pour Marseille où il ouvre un magasin de tissus au mètre, dans la Grand Rue juste en face d'une corsetière très connue des marseillaises : « Madame Eugénie ». Le magasin est tenu par "El-Baba" et ses deux filles Sarah et Virginie, quant à Raphaël il travaille comme étalagiste et fait des petites décorations dans différents commerces (café concerts en particulier).
Moïse Ganzo quitte à son tour le Venezuela en 1910 à cause de la dégradation de l'économie. Il s'expatrie à Bruxelles, au 330 chaussée d’Alsemberg, (tout près de l'altitude 100) et continue son commerce de colifichets et dentelles. 
Raphaël Nathan vient rendre visite aux Ganzo, et fait la connaissance d’une voisine de la famille Clara Van der Velt une Hollandaise. Il reste à Bruxelles. Esther et Moïse Ganzo voient naître à Bruxelles leur dernier enfant: Jacky.
Gracia et Isaac Nathan sont très fatigués. Isaac vend son commerce et se retire des affaires, et toute la famille quitte Marseille et va s'installer à Bruxelles chez Moïse Ganzo. "El Baba" lui donne tout l'argent qu'il à retiré de son commerce, et en échange prend sa retraite chez lui, la maison est très grande (15 pièces environ) et il y a de la place pour tout le monde. Isaac Nathan dit "El-Baba" décède vers 1925, un ou deux ans après la mort de sa femme Gracia.
En 1913, Isaac Ménassé, qui est en voyage d’affaire, trouve pension dans la maison Ganzo-Nathan.
Il s’éprend de Sarah Nathan fille d'Isaac Nathan et la demande en mariage. La guerre qui arrive remettra ce projet à plus tard. Ils se marieront quand même aux alentour de 1920.
David Ménassé (fils d'Isaac Ménassé et de Sarah Nathan) naît en Juillet 1921.
Enfin, Virginie, épouse, un peu contre l’avis de son père, Samuel Segoura, marchand de tapis d’orient. (Samuel Segoura est le frère de Maurice Segoura, un très grand antiquaire parisien de réputation internationale et spécialiste du mobilier du 18è siècle.) De caractère fantasque, celle que nous appelions tantine « Nini », eût un fil Roger, et se remaria après le décès de son mari avec un Monsieur Benichou, juif algérien vivant à Paris.
Entre 1937 et 1954, paraît l'essentiel de l'oeuvre poétique de Robert Ganzo: un maigre volume (une centaine de pages) mais d'un superbe éclat et d'une rare densité. Œuvre en deux temps qui naît avec Orénoque (1937), se poursuit avec Lespugue (1940), Rivière (1941), Domaine (1942) et reprend après-guerre avec Langage (1947), Colère (1951) et Résurgences (1954) qui marque en quelque sorte son éloignement de la poésie.
S'il ne fut pas célèbre, Ganzo ne fut pas ignoré. Ses pairs le reconnurent. Si Valéry s'inquiétait un peu de ce titre d'Orénoque que Ganzo donna à l'un de ses recueils, il ne lui ménagea ni son estime ni son attention. Léon-Paul Fargue préfacera dès 1938 ses Sept chansons pour Agnès Capri où le poète renoue avec la tradition de la chanson populaire au même moment que Desnos et Prévert. Comment ne pas rappeler au passage que Ganzo fut un des poètes dont les républicains espagnols récitaient des strophes.

mercredi 15 mai 2013

… Et la préhistoire vue par robert Ganzo

Sur France-Inter:
Dans 3D dimanche, un trésor national proposé au classement du patrimoine de l'Humanité, la Grotte Chauvet-Pont d'Arc, en Ardèche. Il y a 36 000 ans, ses parois ont été ornées de peintures jouant avec les perspectives et même le relief. 3D à Chauvet!



Préhistoire 
Il y a quarante mille ans, 
le mari chassait le mammouth. 
L’amant préférait les gazelles.
Les dames et les demoiselles 
se teignaient les ongles en vert. 
Les décadents faisaient des vers. 
Et le vieillard, un polyglotte 
-il ya quarante mille ans- 
songeait à ses anciens élans 
au soir tombant devant sa grotte : 
- "ces gens-là sont finis," pensait-il, écœuré. 
"Si c’est ça le progrès ! Plus rien à espérer… " 
Robert Ganzo.
Une chanson pour Suzy Solidor


samedi 11 mai 2013

De Robert Ganzo une chanson: "Suicide"


Robert Ganzo en 1975?

Elle aimait les portes manteaux,
Et ca faisait des tas d’histoires.
Lui ne voulait dans son chapeau
Qu’un clou planté dans une armoire.
Chaque fois qu’ils déménageaient
Ils se chamaillaient de la sorte.
Fallait le clou. Il s’emportait.
Mais un matin, la femme est morte.
Alors il demeura tout bête
Comme un bougre qui se repent.
Et c’est à ce clou qu’il se pend,
Avec son chapeau sur la tête.


Ci dessous, au "masque et la plume" - 13/01/1957 - Anne CAPRILE interprète "Suicide", un poème de Robert GANZO mis en musique par Christiane VERGER et deux chansons extraites du spectacle Shakespeare "Cymbeline" mis en musique par Claude ARRIEU, "La chanson d'Imogène" puis "La chanson de la forêt".

Achat numéro de commande auprès de l'Institut National de l'Audiovisuel : 467937

Robert Ganzo (1898-1995).

(Huile sur toile 27,5x21,5)
Photographie Bernard Mermod Tirage don de Mme Yvonne Thomas Ganzo

vendredi 10 mai 2013

Robert Ganzo : « Entre fleuve et pierre »


Le Matricule des anges sur Robert Ganzo :
Revue n° 037
(Décembre 2001-février 2002).

« J'ai connu l'homme tardivement, peu d'années avant sa mort, mais à quatre-vingt-quinze ans, il restait d'une vitalité et d'une présence étonnante, aux gestes vifs, à l'attention jamais démentie. L'écriture était ferme. Il continuait à fumer la pipe, travaillait encore à un futur poème. Il ressemblait un peu, par la densité, à ces pierres qu'il ramassait dans les forêts et dont il était convaincu qu'elles évoquaient des têtes humaines ou figuraient des profils qu'il identifiait. Des deux placards, dans son appartement proche du Trocadéro, l'un recelait ses livres les plus précieux, tandis que l'autre, fermé à clef comme un trésor, contenait sa collection de pierres choisies pour leurs formes insolites, anthropomorphiques ou pour leurs dessins gravés par les millénaires et dont il aimait traduire le graphisme sur une feuille qu'il vous donnait en partant. Face à ce monde lithique, il y avait en lui, préservé jusqu'au dernier souffle, cet émerveillement de l'enfant qui reste le secret du poète ».
Franck Venaille.

Poète et résistant, Robert Ganzo (1898-1995) fut un continuateur conséquent du courant Mallarmé-Valéry. Ami des peintres et des poètes, il fut frappé de fièvre lithique et, passionné par la préhistoire, devint aussi celui des pierres.
Robert Ganzo incarnait ce paradoxe d'avoir été danseur à Bruxelles -il publiera en 1930 Du dancing ou le danseur sentimental- avant de devenir bouquiniste puis libraire à Paris, rue de Vaugirard, d'être né à Caracas, en 1898, mais d'être poète français, de se vouloir peintre à ses heures. "Je suis un peintre préhistorique" aimait-il dire et d'avoir fini par délaisser la poésie pour remonter précisément vers la préhistoire dont il se fit le théoricien rebelle... Comme si, après avoir descendu le fleuve Orénoque dans l'un de ses plus beaux poèmes, il en avait remonté le cours jusqu'aux sources les plus secrètes de l'humanité. Mais, après tout, la danse peut être une poésie en mouvement et la préhistoire une face cachée de la poésie : celle-ci pour lui était une rêverie qu'il tentait, au grand dam des spécialistes, d'arrimer dans une cale qu'il voulait théorique sans en renier la poésie.
Peut-être est-ce cette diversité de talents, toujours mal vue en France, qui l'empêcha d'accéder à une plus vaste audience : Robert Ganzo, poète, aura frôlé le renom sans jamais connaître le véritable succès et ce malgré une très longue existence de quatre-vingt-dix-sept ans.
S'il ne fut pas célèbre, Ganzo ne fut pas ignoré. Ses pairs le reconnurent. Si Valéry s'inquiétait un peu de ce titre d'Orénoque que Ganzo donna à l'un de ses recueils, il ne lui ménagea ni son estime ni son attention. Léon-Paul Fargue préfacera dès 1938 ses Sept chansons pour Agnès Capri où le poète renoue avec la tradition de la chanson populaire au même moment que Desnos et Prévert.

Comment ne pas rappeler au passage que Ganzo fut un des poètes dont les républicains espagnols récitaient les strophes ci-dessous :
TRACTS, Ed. Jean Aubier 1947

"Mais c'est si loin Shanghai/ et c'est si loin Madrid/ que ce grand cri vous ne puissiez l'entendre" (Aux égarés).

De même qu'en ces années, ce qui deviendra le poème Tubize est récité, en France, dans les usines en grève :

"Dans cette usine ça sent l'éther/ et dans l'éther peinent les filles."

Certes ces quelques titres n'auraient pas suffi à faire de Robert Ganzo un poète de haut rang, ce qu'il est indubitablement. Entre 1937 et 1954, paraît l'essentiel de son œuvre poétique : un maigre volume (une centaine de pages) mais d'un superbe éclat et d'une rare densité. Œuvre en deux temps qui naît avec Orénoque (1937), se poursuit avec Lespugue (1940), Rivière (1941), Domaine (1942) et reprend après-guerre avec Langage (1947), Colère (1951) et Résurgences (1954) qui marque en quelque sorte son éloignement de la poésie.

En plus d'un sens, Robert Ganzo est l'un des très rares continuateurs authentiques du courant Mallarmé-Valéry, mais en plus cosmique et mêlant superbement ellipses et correspondances le classicisme et la modernité. Lespugue qui paraît l'année où Lascaux est découvert, est sans doute le premier grand poème inspiré par la préhistoire, rencontre ou remontée vers la femme première, à la fois humaine et cosmique :

"Ta chair immense que j'étreins/ riait et pleurait dans ma moelle, / et je trouve, au fond de tes reins/ la chute sans fin d'une étoile."

Robert Ganzo en 1917
Don de Mme Catherine Henri Ménassé.

Lire l’article en entier :
Le matricule des anges

De Robert Ganzo: Si même...


Si même...

Si même il ne restait qu'un écriteau sur terre :
"défense de pêcher car c'est notre rivière" :
        nous serions révolutionnaires.

Si même il ne restait qu'un prince sur la terre,
qu'un prince et sa couronne et son divin mystère,
        nous serions révolutionnaires.

Si même il ne restait, aux confins de la terre,
qu'un douanier gardant un mètre de frontière,
       nous serions révolutionnaires.

Si même il ne restait qu'un canon sur la terre,
rien qu'un canon et rien qu'un dernier jour de guerre,
       nous serions révolutionnaires.

Si même il ne restait qu'un bagne sur la terre,
qu'une seule catin, qu'une seule misère,
       nous serions révolutionnaires.

Et s'il ne restait sur la terre,
Sur terre, parmi nous enfin
qu'un prolétaire avec sa faim,
nous serions révolutionnaires.

Robert Ganzo
(Extrait de tracts)

                                                                        TRACTS, Ed.Jean Aubier 1947



Puis André Gide d’écrire :
Le monde ne sera sauvé,
s'il peut l'être, que par des insoumis.
Sans eux, c'en est fait de notre civilisation,
de notre culture, de ce que nous aimions
et qui donnait à notre présence sur terre
une justification secrète. Ils sont,
ces insoumis, "le sel de la terre"
et les responsables de Dieu.
André Gide

dimanche 5 mai 2013

Deuxième sépulture:


Lorsque le jeune empereur vit son ami Xia tomber à ses pieds terrassé par la souffrance, on raconte qu’il  posa la tête de celui-ci au revers de sa cuisse droite; lui caressant longuement le visage en murmurant un chant ancien.

On raconte l’indicible moment. Xia était mort, on raconte cela. On raconte que le prince, jeune empereur faisant le chemin inverse aperçu sous le même cerisier le cadavre de Xia gisant décharné sous une constellation de pétales.
On raconte que s’asseyant dans l’herbe, au milieu des pétales mouillés,
Jambes allongées ; qu’il tira vers lui la dépouille du brigand. Qu’il posa la tête de Xia presque vidée de sa chaire sur sa tunique moirée au niveau de son ventre. On raconte alors que  cette noble personne dévisagea  (comme un cri de douleur) l’orbite presque vide du cadavre. On raconte que le doux homme se laissa pleurer jusqu’au lendemain, au moment du soleil levant et que le sel de ses larmes brulèrent les lèvres et les restes de parfums de Xia.
On raconte l’épouvante de chacun passant sur ce versant du coteau. Quand chacun dans une légère bruine apercevait un corps décharné veillé d’une bien étrange façon.
On disait encore dans tout l’empire : que dépourvu de courage, notre souverain fut pris d’un ineffaçable chagrin.
Et de mémoire l’on me dit à l’heure des toasts
Que craignant d’être dupé un jour par son ami, notre céleste personne aurait préféré plutôt que de connaitre cela
le glissement du sabre de Xia au niveau creux de l’abdomen.
Le temps passait, puis ce fut hier.
Un homme triste, me confia encore à moi marchand d’arcs et de flèches  que pris d’une solitude extrême le jeune prince se donna la mort par pendaison.
On raconte…
Mais peu importe le conte
Ne vous dit-on pas, encore cette nuit qu’a la lueur de la lune
Xia, murmure un chant ancien.
Que ne dit-on pas ?...
A la lueur rouge et jaune des lanternes.