Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

mercredi 24 juillet 2013

Intèrmède : Ray Charles, ouvrait son cœur devant un big band classieux en 1997.

Toujours à Montreux.

Le dormeur du val


C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur RIMBAUD   (1854-1891)


mercredi 3 juillet 2013

Dédicace

Fol l’épi de blé
la graminée, la fleur bleue
et ces tranches de citrons
posés sur ta poitrine.
Tu t'es bruni à courir dans la prairie
les pieds meurtris par la broussaille
ardent,
 vif,
indompté
brusque.
Là dans l'herbe si verte
donne un coup fatal
puisque le rouge
sied si bien
aux herbes endeuillées.
Froid couteau
amulette pour un mort
mélancolie chaude de chaux vives.
la blessure (une nouvelle fois) mortelle
est d’un rouge cerise
comme la segmentation
du fruit
poisseuse aux doigts.
Meurtrissure anoblie
par l’éclat du métal
en un geste amical
à l’ombre ambrée de ton visage
sang et or
celui de tes cheveux.
Je ne savais rien de tes humeurs assassines
ni de tes yeux verts olive
dans l’esquisse bleutée des chênes lièges.
La poussière andalouse est sanguine
et l’accolade trop vive
comme un soleil brisé de milles lunes.
Je me repais de ta force
et du froid glacial qui entame mes veines.
La cannelle de ton sein
à mes lèvres troublées
adoucie ma douleur.
Achève en hôte enfin
ton geste salvateur
et le jasmin demain couronnera
ta pensée
au verdict sombre et froid
d’un juge pour nos peines.
Mais le souvenir est vif
de toi, tout simplement
courant dans la prairie
irrésistible
jusqu’à ton coup porté.

lundi 1 juillet 2013

L’échappée belle!

Copyright: Benjamin Dubost et ses amis.


Benjamin Dubost joue: « Ballandan »

Des jambes en bas bleu ciel


FRANK WEDEKIND
L’EVEIL DU PRINTEMPS
Tragédie enfantine
(Écrite de l’automne 1890 à pâques 1891)
Traduit de l’allemand par François Regnault
Préface
De Jacques Lacan
Intervention de Freud sur
L’éveil du printemps
A la société psychologique du mercredi
A Vienne, en 1907


Ainsi un dramaturge aborde en 1891 l’affaire de ce qu’est pour les garçons de faire L’amour avec les filles, marquant qu’ils n’y songeraient pas sans l’éveil de leurs rêves.
Remarquable d’être mis en scène comme tel : soit pour s’y démontrer ne pas être pour tous satisfaisant,  jusqu’à avouer que si ça rate, c’est pour chacun.
Autant dire que c’est du jamais vu.
Jacques Lacan
Le 1° septembre 1974.

Deux enfants :
Les garçons Melchior Gabor et Moritz (Maurice) Stiefel.

Moritz : Les as-tu déjà ressenties
Melchior : Quoi ?
Moritz : Comment tu disais ?
Melchior : Les excitations mâles
Moritz : Heu…
Melchior : Sans contredit !
Moritz : Moi aussi……………….
Melchior : Je connais ça depuis longtemps, oui ! Déjà bientôt un an.
Moritz : Moi, j’étais comme touché de la foudre.
Melchior : Et tu avais rêvé ?
Moritz : Mais seulement un rêve très court… des jambes en bas bleu ciel, qui montaient sur le pupitre, pour être exact, j’ai seulement pensé quelles voulaient l’enjamber. Je les ai vues  très furtivement.
Melchior : Georg zirschnitz, lui, a rêvé de sa mère.
Moritz : Il te l’a raconté ?
Melchior : Dehors, sur le chemin du supplice.
Moritz : Si tu savais par quoi je suis passé depuis cette nuit-là !
Melchior : Des remords ?
Moritz : Des remords ??... L’angoisse de la mort.
Melchior : Seigneur Dieu…
Moritz : J’ai pensé : je suis incurable. Je croyais souffrir d’un mal intérieur. Pour finir, je n’ai trouvé quelques repos que le jour ou j’ai commencé à rédiger mes Mémoires. Oui, oui, cher Melchior, ces trois dernières semaines, un Gethsémani pour moi.
Melchior : Moi, dans mon cas, je m’y trouvais plus ou moins préparé. Seulement une légère honte, et puis, ce fut tout ma foi.
Moritz : Et pourtant tu as au moins un an moins que moi.
Melchior : A ta place, je ne m’en inquiéterais pas. D’après mes expériences, il n’y a pas d’âge fixé pour le premier surgissement de ces fantômes.  Tu connais bien le grand Lämmermeier, le blond filasse avec le nez en bec d’aigle ? Trois ans de plus que moi. Jeannot Rilow dit qu’il ne rêve encore que tartes à la crème et gelée d’abricots.

La pièce de Wedekind est pleine de mérites. Ce n’est pas une grande œuvre d’art, mais elle restera comme un document, qui intéresse l’histoire de la civilisation et des mœurs.
Freud
Le 1° février 1907.

FRANK WEDEKIND
L’EVEIL DU PRINTEMPS
   NRF
Gallimard