Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

samedi 31 août 2013

Avant ton anniversaire


Avant ton anniversaire,
J’irai fleurir de visnages
Ta robe pourpre
Et ta tunique moirée
Avant ton anniversaire,
De petits étendards colorés agitent déjà
Les ailes frémissantes des messagers.
Avant ton anniversaire
Il me faudra rire, rire et pleurer
Réciter de courts mantras tibétains
Avant ton anniversaire
...

lundi 26 août 2013

"je parle des instants les plus intenses de nos vies"


« Les images oniriques ont quelque chose des galets qui sont dans l’eau. Qui brillent sous l’onde glacée qui file entre les menthes. Leur beauté fait qu’on se penche. On ne résiste pas à l’envie de s’agenouiller dans l’odeur merveilleuse qui s’élève des petites feuilles dentelées et duveteuses des menthes qu’on écrase au-dessus de l’Yonne. On roule la manche plus haut que le coude. On plonge la main dont la chair se met à frémir de froid.
Les doigts glacés et blancs cueillent ces pierres au fond de la transparence ; ils les rapportent à la lumière ; l’eau en dégoutte ; l’air les assombrit ; les yeux se découragent ; je parle des instants les plus intenses de nos vies ; leur attrait se dérobe ; nous ne savons plus ce que ces pierres qui chatoyaient voulaient nous dire ; on ne sait plus pourquoi, spontanément, on s’était mis à genoux ».
Pascal Quignard. La barque silencieuse.

Le petit appartement du rez-de-chaussée (nouvellement aménagé).


Mme Hume
« Ne vous inquiétez pas s’il se conduit de façon un peu bizarre.  Il s’emporte souvent, mais ça ne signifie pas grand-chose. Les dernières semaines ont été pénibles pour lui. L’homme qui s’occupait de lui pendant trente ans est mort en septembre, (dernier) et il a de la peine à si faire. »
Mme hume me fit signe de m’assoir sur le canapé
Un silence
Emmett Fogg, disait le vieillard, en crachant les mots avec mépris. Quelle sorte de nom est-ce là ?
-M. S. Fogg, répliquai-je. M. comme Marco, S. comme Stanley.
- Ca ne vaut pas mieux.  C’est même pire. Comment allez-vous arranger ça, jeune homme ?
- Je ne vais rien arranger du tout. Mon nom et moi avons vécu beaucoup de choses ensemble, et avec le temps je m’y suis attaché. »
Monsieur Effing ricana, une sorte de rire grognon qui paraissait écarter le sujet une fois pour toutes. Aussitôt après, il se redressa dans son fauteuil. La rapidité de transformation de son apparence fut surprenante. Il ne ressemblait plus à un demi-cadavre comateux perdu dans une rêverie crépusculaire ; tout en nerfs et en attention, il était devenu une petite masse effervescente de force ressuscitée.
Il se pencha en avant sur son siège, comme pour m’indiquer que l’entrevue allait commencer pour de bon. Malgré les caches noirs sur ses yeux, son regard était dirigé droit vers moi. « Répondez-moi, monsieur Fogg, êtes vous un homme de vision ? »
- je croyais l’être, mais je n’en suis plus tellement certain.
- quand vous avez un objet devant les yeux, êtes vous capable de l’identifier ?
- la plupart du temps, oui. Mais dans certains cas c’est assez difficile.
- par exemple ?
-par exemple, j’ai parfois la peine à distinguer les hommes des femmes dans la rue. Tant de gens ont maintenant les cheveux longs, un coup d’œil rapide ne renseigne pas toujours. Surtout si l’on a  affaire à un homme féminin ou à une femme masculine.  Les signaux peuvent être plutôt confus.
-et quand vous êtes en train de me regarder, quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit ?
- je dis que je regarde un homme assis dans un fauteuil roulant.
-un vieil homme ?
- oui, un vieil homme.
- un très vieil homme ?
- oui, un très vieil homme
Moon Palace
De Paul Auster
Le Livre de Poche
6,60 €

Le petit appartement du rez-de-chaussée


- Avez-vous remarqué quelque chose de particulier à mon propos jeune homme ?
- Les caches sur vos yeux, sans doute. Et le fait que vos jambes paraissent paralysées.
- Oui, oui, mes infirmités. Elles sautent aux yeux n’est-ce pas ?
- D’une certaine manière, oui.
- Et qu’avez-vous conclu au sujet des caches ?
- Rien de précis. J’ai d’abord cru que vous étiez aveugle, mais ce n’est pas nécessairement évident. Si on ne voit pas pourquoi prendre la peine de se protéger la vue ? Ca n’aurait donc aucun sens,      donc, j’envisage d’autres possibilités. Les caches dissimulent peut-être quelque chose de pire que la cécité. Une difformité hideuse, par exemple. Ou bien vous venez d’être opéré, et vous devez les porter pour des raisons médicales. D’autre part, il se pourrait que vous soyez parfaitement aveugle et que la forte lumière vous irrite les yeux. Ou qu’il vous plaise de les arborer pour eux-mêmes, parce que vous les trouvez jolis. Il y a des quantités de réponses possibles à votre question. Pour le moment je ne dispose pas d’assez d’informations pour dire quelle est la bonne. À vrai dire, la seule chose dont je suis sûr est que vous portez des caches noirs sur les yeux. Je peux affirmer qu’ils sont là, mais je ne sais pas pourquoi ils sont là.
- autrement dit, vous ne considérez rien comme acquis ?
- cela peut-être dangereux. Il arrive souvent que les choses soient différentes de ce qu’on croit, et on peut s’attirer des ennuis en se faisant une opinion à la légère.
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Moon Palace
De Paul Auster
Le Livre de Poche
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