Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

jeudi 16 janvier 2014

Gare Saint-Lazare, vendredi 17 janvier à 15h.


A Rabah
Ils se sont donné rendez-vous au plus lointain du quai voie 10, là où les trains arrivent sous la pluie et repartent déjà sous des larmes
Ils se sont donné rendez-vous auprès d’une foule anonyme
Aux  nombreux secrets.

Certains en un milieu du quai, à la hauteur d’une voiture se fabriquent des serments alors que d’autres les démêlent  pour les reformer vite fait pressés, agacés, de mauvaise humeur, de mauvaise façon et comme d’habitude pressés par une amante accablée.
Eux, ne se sont jamais vus ou alors ils se sont aperçus sur la « toile », on sait peu de choses sur eux, ils savent peu de chose l’un de l’autre ; mais,
Ils se sont dit leur désir de se rencontrer, de s’essayer, de risquer; de se mélanger peut-être pour de ne plus avoir l’impression d’être seuls.
Sur la « toile » ils se sont appréciés, vu leur visage, croyant déjà se connaitre un peu.
Ils ont posé des mots ; comme l’on joue parfois du piano très doucement
Mais sans aucune musique, ou alors celle de leur âme avec en sourdine le signal d’un récépissé plein de promesse sur leur site de rencontre
Des mots courts télégraphiques piquants ; des messages émus, troublés. Des incantations d’une douceur inouïe. Pourtant ils ne se connaissent pas encore
Ils ont froids ils sont inquiets de cette rencontre proposée
A venir

Il est nous-même, cet étranger, ce rêve comme un fardeau que nous portons depuis l’adolescence
Nous l’avons fait dans notre ventre à quelques centimètres au dessous du nombril.
Jeunes nous le portions déjà et souvent clandestinement
Sans oser en parler, ou le lui dire

Pour nous contenter, nous le tenions parfois fortement dans notre poing serré.

Nos regards sur nous-mêmes et sur les  jeunes gens de notre âge n’étaient que désirs et volupté.
Nous étions en tout point quoique très jeunes emplis de compassion
Déjà pour nous-mêmes, pour eux
Nous souhaitions ces relations dérobées imaginées, clandestines.

Nous avons mûri, l’un dépasse aujourd’hui la cinquantaine, l’autre la trentaine, plus agile, plus gracieux et sans aucun doute plus beau
Le train arrive en gare, l’un d’entre nous est sur le quai, il attend l’autre comme un frère jamais connu
L’un est pris de doutes
Quant au cœur de l’autre, il bat très fort, trop fort.
Envie de descendre du train, de te rencontrer, de te voir, de te prendre la main, d’avoir le courage de te dire non, ou alors de te regarder dans les yeux, en pressant ta main très fort pour te dire : viens ! Quittons ce lieu baroque, allons à l’hôtel.

Gare  Saint Lazare 19h15
Le jeune homme fut pour moi tout en jasmin et roses
d’un ivoire éclaboussé de carmin

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