Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

mardi 2 septembre 2014

Je laissai la moitié de ma viande

... Je laissai la moitié de ma viande et m’employai à observer mon interlocutrice.  C’était une femme fascinante. Elle avait des yeux immenses, gris, en amande, d’un éclat aquatique, comme les clartés de la nuit. En essayant de les décrire, tous les lieux communs littéraires me venaient à l’esprit. Son expression était empreinte d’une puissante ironie qui semblait sourdre des régions les plus profondes de la mémoire, ou de la lumière des étoiles ; peut-être était-ce la preuve que ces deux choses ne font qu’une. Je n’avais jamais vu s’incarner le pouvoir de l’intelligence et la beauté, la cruauté est garantie.  Mais je n’étais pas pour autant disposé à me laisser impressionner, et j’essayais de surpasser ma timidité par des pensées sceptiques : « nous verrons  les conneries qu’elle dit quand elle ouvrira la bouche », ou bien « voici des airs de femme habituée à fréquenter des hommes plus âgés qu’elle ».

Elle soutint mon regard, sans se départir de son sourire à peine ébauché.
...

Phrixos le fou
Miquel de Palol 
Aux éditions ZULMA
22,50€ Diffusion Seuil.

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