Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

mercredi 5 mars 2014

Avant on s’amusait tellement avec toi.


Joe:
Je tai dit tout ce que j’ai dit à personne d’autre. Avant on s’amusait tellement avec toi. Fini tout ça    je dois te dire la vérité. Je l’ai toujours fait. Pas menti. Je t’ai amené ici pour me débarrasser de toi.     Il faut que tu apprennes à rester tout seul. Tu ne peux pas. Tu ne sauras jamais t’occuper de toi-même. Voila pourquoi tu ne peux pas me lâcher. Tu as mon peigne.  Il sort un peigne de la poche du pantin. Se peigne les cheveux. Range le peigne dans sa propre poche.  Je vais devoir te tuer.
Il sort. Il revient avec une brique.
Tu le sentiras pas. Salut. Il lâche la brique sur la tête du pantin. Ferme les yeux. Sois mort.
Il sort. Il revient avec une brique. Il s’arrête, fait quelques pas au hasard.
Le moindre problème dans notre maison Maman me frappe.  Sais pas pourquoi.  Est-ce que je suis censé changer le monde ? Il s’approche du pantin. Le regarde. Saleté verte sur ton visage. Vient de la brique. Si j’avais une torche il y aurait du sang là ou je marche entre toi et les briques.
Il lâche la brique sur la tète du pantin.  Il sort et revient avec une brique. Il la lâche sur la tête du pantin.
Ça suffit. Te laisserai pas ici quand se sera fait. Ruisseau là-derrière. Les gens des potagers y prenaient de l’eau pour les plantes. Crade.  Pleins de cageots et de caddies. Te jetterai pas dans l’eau.    Te coucherai sur la rive. Hors de vue. Les chats et les chiens t’auront pas. Si tu te changeais en fantôme tu entendrais le ruisseau couler quand il pleut. Pas de fantômes. Rien qui existe comme ça.
Il ramasse le pantin.  L’étreint à demi et, toujours à demi, joue à le balancer de gauche à droite.
T’es presque mort. Encore une.
Il dépose le pantin.

Extrait de « Les enfants » et « Onze débardeurs »
D’Edward Bond
Collection Scène ouverte
Éditeur : L’Arche

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