Joe:
Je tai dit tout ce que j’ai dit à personne d’autre. Avant on
s’amusait tellement avec toi. Fini tout ça
je dois te dire la vérité. Je l’ai toujours fait. Pas menti. Je t’ai
amené ici pour me débarrasser de toi.
Il faut que tu apprennes à rester tout seul. Tu ne peux pas. Tu ne
sauras jamais t’occuper de toi-même. Voila pourquoi tu ne peux pas me lâcher.
Tu as mon peigne. Il sort un peigne de la poche du pantin. Se peigne les cheveux. Range
le peigne dans sa propre poche. Je
vais devoir te tuer.
Il sort. Il revient
avec une brique.
Tu le sentiras pas. Salut. Il lâche la brique sur la tête du pantin. Ferme les yeux. Sois mort.
Il sort. Il revient
avec une brique. Il s’arrête, fait quelques pas au hasard.
Le moindre problème dans notre maison Maman me frappe. Sais pas pourquoi. Est-ce que je suis censé changer le
monde ? Il s’approche du pantin. Le
regarde. Saleté verte sur ton visage. Vient de la brique. Si j’avais une
torche il y aurait du sang là ou je marche entre toi et les briques.
Il lâche la brique sur
la tète du pantin. Il sort et revient
avec une brique. Il la lâche sur la tête du pantin.
Ça suffit. Te laisserai pas ici quand se sera fait. Ruisseau
là-derrière. Les gens des potagers y prenaient de l’eau pour les plantes. Crade.
Pleins de cageots et de caddies. Te
jetterai pas dans l’eau. Te coucherai
sur la rive. Hors de vue. Les chats et les chiens t’auront pas. Si tu te
changeais en fantôme tu entendrais le ruisseau couler quand il pleut. Pas de fantômes.
Rien qui existe comme ça.
Il ramasse le pantin. L’étreint à demi et, toujours à demi, joue à
le balancer de gauche à droite.
T’es presque mort. Encore une.
Il dépose le pantin.
Extrait de « Les enfants » et
« Onze débardeurs »
D’Edward Bond
Collection Scène ouverte
Éditeur : L’Arche