Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

lundi 11 novembre 2013

Mes Philippines:

A 25 ans j’endossais l’identité d’assistant photographe pour un reportage de guerre aux Philippines.
(Comme mentionné sur mon passeport de l'époque).
Dans le Sud, (non loin de Mindanao la grande île où était concentrée la minorité musulmane et les séparatistes musulmans du Front Moro s’opposant depuis les années 1970 au pouvoir de Manille, très proche de l'Église catholique).
C’est auprès d’eux que nous avions pris rendez-vous.
J’ai vu là en janvier 1976 de jeunes guérilleros de 16 ans  poussés par leurs aînés âgés de 30 ou 40 ans. se jeter à l’assaut de militaires.
J’ai vu un journaliste correspondant de la "UNE" (chaîne de télévision française de l’époque) offrir à l’un des chefs de la guérilla un poignard allemand portant l’insigne nazi sur son pommeau parce que ce guérillero faisait collection de poignards.
Quelques jours plus tard, vers midi ou une heure de l’après-midi, et suite à un assaut commandité par la presse contre des militaires, et ce, afin de pouvoir revenir en France avec des images…
J’ai vu deux jeunes hommes allongés à terre et dépossédés de la moitié de leur visage de par l’impact du projectile qui les avait frappés.
Les mouches déjà par centaines se repaissaient de cette blessure.
D’autres combattants, frères, sœurs ou amis, (une vingtaine) préparaient  la niche qui devait protéger leur corps dans la mort. Les linges blancs des linceuls venaient d'être apportés.
Nous filions en file indienne, nous remontions par un chemin noyé de soleil et sec. C’est le souvenir que j’en ai. Notre étrange travail nous empêchait d’éprouver de quelconques sentiments. Il me restait alors quelques mètres au dessus d’eux l’image de deux visages anonymes et meurtris.
Le lendemain, après une nuit agitée où nous entendions à intervalles réguliers les explosions de possibles mortiers ; on me dit que les militaires avaient alors détruits par le feu depuis la mer tout un village et cela pour un jeu de rôle déloyal. Celui que nous avions créé.
J’avais 25 ans, aujourd’hui j’en ai 56. J’ai si peu parlé de cela.
En ouvrant ce matin le passeport de ce voyage dont une grande partie c’est faite (depuis la Malaisie) dans une totale discrétion, clandestinement, avec l’aide de contrebandiers ; je vois que notre retour des Philippines au port de Sandakan (Malaisie, au nord-ouest de l'île de Bornéo) s’est officiellement effectué le 3 février 1976.
Je revenais de cette jungle les chevilles quelque peu gangrenées.
Ecrit en 2006.

Rebelle du Front de libération islamique Moro.

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