(Krapp jure. Débranche
l’appareil, fait avancer la bande, rebranche l’appareil)
- mon visage dans ses seins et ma main sur elle. Nous restions
là, couchés, sans remuer. Mais, sous nous, tout remuait, et nous remuait,
doucement, de haut en bas, et d’un côté à l’autre.
Pause.
Passé minuit. Jamais entendu pareil silence. La terre
pourrait être inhabitée.
Pause.
Ici je termine-
Krapp débranche l’appareil, ramène la
bande en arrière, rebranche l’appareil.
- le haut du lac, avec la barque, nagé près de la rive, puis
poussé la barque au large et laissé aller à la dérive. Elle était couchée sur
les planches du fond, les mains sous la tête et les yeux fermés.
Soleil flamboyant, un brin de brise, l’eau un peu clapoteuse
comme je l’aime. Jai remarqué une égratignure sur sa cuisse et lui ai demandé
comment elle se l’était faite. En cueillant des groseilles à maquereau,
m’a-t-elle répondu. J’ai dit encore que
ça semblait sans espoir et pas la peine de continuer et elle a fait oui sans
ouvrir les yeux. (Pause.) Je lui ai
demandé de me regarder et après quelques instants - (Pause)- après quelques instants elle l’a fait, mais les yeux comme
des fentes à cause du soleil. Je me suis penché sur elle pour qu’ils soient
dans l’ombre et ils se sont ouverts
(pause.) M’ont laissé entrer. (Pause.)
Nous dérivions parmi les roseaux et la barque s’est coincée. Comme ils se pliaient, avec un soupir,
devant la proue ! (pause.) Je me
suis coulé sur elle, mon visage dans ses seins et ma main sur elle. Nous
restions là, couchés, sans remuer. Mais, sous nous, tout remuait, doucement, de
haut en bas, et d’un côté à l’autre.
Pause.
Samuel Beckett (1906 - 1989)
Samuel Beckett (1906 - 1989)
« La dernière bande » Extrait
Aux éditions de minuit
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