A Rabah
Ils se sont donné rendez-vous au plus lointain du quai voie
10, là où les trains arrivent sous la pluie et repartent déjà sous des larmes
Ils se sont donné rendez-vous auprès d’une foule anonyme
Aux nombreux secrets.
Certains en un milieu du quai, à la hauteur d’une voiture se
fabriquent des serments alors que d’autres les démêlent pour les reformer vite fait pressés, agacés,
de mauvaise humeur, de mauvaise façon et comme d’habitude pressés par une
amante accablée.
…
Eux, ne se sont jamais vus ou alors ils se sont aperçus sur
la « toile », on sait peu de choses sur eux, ils savent peu de chose
l’un de l’autre ; mais,
Ils se sont dit leur désir de se rencontrer, de s’essayer,
de risquer; de se mélanger peut-être pour de ne plus avoir l’impression d’être
seuls.
Sur la « toile » ils se sont appréciés, vu leur
visage, croyant déjà se connaitre un peu.
Ils ont posé des mots ; comme l’on joue parfois du
piano très doucement
Mais sans aucune musique, ou alors celle de leur âme avec en
sourdine le signal d’un récépissé plein de promesse sur leur site de rencontre
Des mots courts télégraphiques piquants ; des messages émus,
troublés. Des incantations d’une douceur inouïe. Pourtant ils ne se connaissent
pas encore
Ils ont froids ils sont inquiets de cette rencontre proposée
A venir
Il est nous-même, cet étranger, ce rêve comme un fardeau que
nous portons depuis l’adolescence
Nous l’avons fait dans notre ventre à quelques centimètres au
dessous du nombril.
Jeunes nous le portions déjà et souvent clandestinement
Sans oser en parler, ou le lui dire
Pour nous contenter, nous le tenions parfois fortement dans notre poing serré.
Nos regards sur nous-mêmes et sur les jeunes gens de notre âge n’étaient que désirs
et volupté.
Nous étions en tout point quoique très jeunes emplis de
compassion
Déjà pour nous-mêmes, pour eux
Nous souhaitions ces
relations dérobées imaginées, clandestines.
Nous avons mûri, l’un dépasse aujourd’hui la cinquantaine,
l’autre la trentaine, plus agile, plus gracieux et sans aucun doute plus beau
Le train arrive en gare, l’un d’entre nous est sur le quai,
il attend l’autre comme un frère jamais connu
L’un est pris de doutes
Quant au cœur de l’autre, il bat très fort, trop fort.
Envie de descendre du train, de te rencontrer, de te voir,
de te prendre la main, d’avoir le courage de te dire non, ou alors de te
regarder dans les yeux, en pressant ta main très fort pour te dire :
viens ! Quittons ce lieu baroque, allons à l’hôtel.
Gare Saint Lazare 19h15
Gare Saint Lazare 19h15
Le jeune homme fut pour moi tout en jasmin et roses
d’un ivoire éclaboussé de carmin
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