Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

mercredi 20 mars 2013

Entrent Benvolio et Roméo.


PERSONNAGES

Roméo, fils de Montague
Juliette, fille de Capulet
Benvolio, neveu de Montague et ami de Roméo.

Entrent Benvolio et Roméo.
Benvolio.- Bah ! Mon cher, une inflammation éteint une autre inflammation ; une peine est amoindrie par les angoisses d’une autre peine. La tête te tournera-t-elle ? Tourne en sens inverse, et tu te remettras…  une douleur désespérée se guérit par les langueurs d’une douleur nouvelle ; que tes regards aspirent un nouveau poison, et l’ancien perdra son action vénéneuse.
Roméo, ironiquement. – La feuille de plantain est excellente pour cela.
Benvolio.- Pourquoi je te prie ?
Roméo.- Pour une jambe cassée.
Benvolio.- Ca, Roméo, est-tu fou ?
Roméo.- Pas fou précisément, mais lié plus durement qu’un fou ; je suis en prison, mis à la diète, flagellé, tourmenté et… (Au valet) Bonsoir ; mon bon ami.
Le Valet.- Dieu vous donne le bonsoir !... dites-moi, monsieur, savez-vous lire ?
Roméo.- Oui, ma propre fortune dans ma misère.
Le Valet.- Peut-être avez-vous appris ça sans livres ; mais, dites-moi, savez vous lire le premier écrit venu ?
Roméo,- Oui, si j’en connais les lettres et la langue.
Le Valet.- Vous parlez congrument. Le ciel vous tienne en joie ! (Il va pour se retirer.)
Roméo, le rappelant.- arrête, l’ami, je sais lire. (Il prend le papier des mains du valet et lit :) « Le signor Martino, sa femme et ses filles ; le comte Anselme et ses charmantes sœurs ; la veuve du signor  Vitruvio ; le signor Placentio et ses aimables nièces ; Mercutio et son frère Valentin ; mon oncle Capulet, sa femme et ses filles ; ma jolie nièce Rosaline ; Livia ; le signor Valentio  et son cousin Tybalt ; Lucio et la vive Héléna. » (Rendant le papier.) Voilà une belle assemblée. Où doit-elle se rendre ?
Le Valet.- Là-haut.
Roméo,- Où cela ?
Le Valet.- Chez nous, à souper.
Roméo,- Chez qui ?
Le Valet.- Chez mon maître.
Roméo,- J’aurais du commencer par cette question.
Le Valet.- Je vais tout vous dire sans que vous le demandiez : mon maître est le grand et riche Capulet ; si vous n’êtes pas de la maison des Montagues, je vous invite à venir chez nous faire sauter un cruchon de vin… Dieu vous tienne en joie ! (Il sort.)
Benvolio.- C’est l’antique fête des Capulets ; la charmante Rosaline, celle que tu aimes tant, y soupera, ainsi que toutes les beautés admirées de Vérone ; vas-y, puis, d’un œil impartial, compare son visage à d’autres que je te montrerais, et je te ferai convenir que ton signe n’est qu’un  corbeau.
Roméo,- Si jamais mon regard, en dépit d’une religieuse dévotion, proclamait un tel mensonge, que mes larmes se changent en flammes ! Et que mes yeux, restés vivants, quoique tant de fois noyés, transparents hérétiques, soient brulés comme imposteurs ! Une femme plus belle que mon bien aimé ! Le soleil qui voit tout n’a jamais vu son égale depuis qua commencé le monde !
Benvolio.- Bah ! Vous l’avez vue belle, parce que vous l’avez vue seule ; pour vos yeux, elle n’avait d’autre contrepoids quelle-même ; mais, dans ces balances cristallines, mettez votre bien-aimée en regard de telle autre beauté que je vous montrerai toute brillante à cette fête, et elle n’aura plus cet éclat qu’elle a pour vous aujourd’hui.
Roméo,- Soit ! J’irai, non pour voir ce que tu dis, mais pour jouir de la splendeur de mon adorée. (Ils sortent.)

Shakespeare
Roméo et Juliette
Editions Librio 2e


Monsieur Poli & Sève.
(Voix et harpe électrique.)

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