PERSONNAGES
RANIEVSKAÏA LIOUBOV
ANDRÉÏEVNA, propriétaire.
ANIA, sa fille,
dix-sept ans.
VARIA, sa fille
adoptive, vingt-quatre ans.
GAÏEV LÉONID
ANDRÉÏEVITCH, frère de Mme Ranievskaïa.
LOPAKHINE ERMOLAÏ ALEKSÉÏEVITCH, marchand.
SIMEONOV-PICHTCHIK BORIS BORISSOVITCH,
propriétaire.
FIRS, valet de
chambre, quatre-vingt-sept ans.
Lopâkhine :
Tenez, Lioubov Andréiévna, votre frère Léonide Andréitch dit
que je suis un manant, un accaparateur ; mais ça m’est entièrement égal.
Je voudrais seulement que vous eussiez confiance en moi comme autrefois, que
vos yeux extraordinaires, émouvants, me regardassent comme jadis. Dieu miséricordieux ! Mon père était
serf de votre grand-père et de votre père ; mais vous avez tant fait pour
moi que j’ai oublié tout cela ; je vous aime comme quelqu’un de proche,
plus que proche…
Mme Raniévski :
Je ne puis tenir en place. (Elle se lève et marche avec agitation.) Je ne pourrai survivre au
bonheur d’être de retour. Moquez vous de moi ; je suis folle… : cette
chère petite armoire ! (elle
l’embrasse.) Cette chère petite table !...
Gâiév :
En ton absence, Lioûba, notre vieille bonne est morte.
Mme
Raniévski, s’assied et boit son café.
Dieu ait son âme! On me l’a écrit.
Gâiév :
Anastase, lui aussi, est mort. Petrouchka, le bigle, ma
quitté. Il est maintenant en ville chez le commissaire
(Il tire de sa poche une boite de
caramels et en prend un.)
Pîchtchik :
Ma fille Dâchenka m’a chargé de vous saluer…
Lopâkhine :
Je voudrais vous dire quelque chose de très agréable, de réconfortant… (Il regarde sa montre.) Il faut partir, je n’ai pas le temps de
beaucoup parler… enfin, en deux ou trois mots… vous savez que votre cerisaie va
se vendre le 22 aout ; c’est la
date fixée. Mais ne vous inquiétez pas, chère madame ; dormez tranquille ;
l’affaire n’est pas sans issue… j’ai un projet ; écoutez moi. Votre propriété
n’est qu’a vingt verstes de la ville ; le chemin de fer la traverse
maintenant et, si on lotit votre cerisaie et la terre qui longe la rivière pour
y construire des villas, vous n’en tirerez pas moins de 25 000 roubles par
an.
Anton Tchékhov
Anton Tchékhov
La Cerisaie. (Extrait)
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