Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

mardi 5 mars 2013

Suite Françoise Sagan


PERSONNAGES
RANIEVSKAÏA LIOUBOV ANDRÉÏEVNA, propriétaire.
ANIA, sa fille, dix-sept ans.
VARIA, sa fille adoptive, vingt-quatre ans.
GAÏEV LÉONID ANDRÉÏEVITCH, frère de Mme Ranievskaïa.
LOPAKHINE ERMOLAÏ ALEKSÉÏEVITCH, marchand.
SIMEONOV-PICHTCHIK BORIS BORISSOVITCH, propriétaire.
FIRS, valet de chambre, quatre-vingt-sept ans.


Lopâkhine :
Tenez, Lioubov Andréiévna, votre frère Léonide Andréitch dit que je suis un manant, un accaparateur ; mais ça m’est entièrement égal. Je voudrais seulement que vous eussiez confiance en moi comme autrefois, que vos yeux extraordinaires, émouvants, me regardassent comme jadis.    Dieu miséricordieux ! Mon père était serf de votre grand-père et de votre père ; mais vous avez tant fait pour moi que j’ai oublié tout cela ; je vous aime comme quelqu’un de proche, plus que proche…
Mme Raniévski :
Je ne puis tenir en place. (Elle se lève et marche avec agitation.) Je ne pourrai survivre au bonheur d’être de retour. Moquez vous de moi ; je suis folle… : cette chère petite armoire ! (elle l’embrasse.) Cette chère petite table !...
Gâiév :
En ton absence, Lioûba, notre vieille bonne est morte.
             Mme Raniévski, s’assied et boit son café.
Dieu ait son âme! On me l’a écrit.
Gâiév :
Anastase, lui aussi, est mort. Petrouchka, le bigle, ma quitté. Il est maintenant en ville chez le commissaire
(Il tire de sa poche une boite de caramels et en prend un.)
Pîchtchik :
Ma fille Dâchenka m’a chargé de vous saluer…
Lopâkhine :
Je voudrais vous dire quelque chose de très agréable,  de réconfortant… (Il regarde sa montre.) Il faut partir, je n’ai pas le temps de beaucoup parler… enfin, en deux ou trois mots… vous savez que votre cerisaie va se vendre le 22 aout ;  c’est la date fixée. Mais ne vous inquiétez pas, chère madame ; dormez tranquille ; l’affaire n’est pas sans issue… j’ai un projet ; écoutez moi. Votre propriété n’est qu’a vingt verstes de la ville ; le chemin de fer la traverse maintenant et, si on lotit votre cerisaie et la terre qui longe la rivière pour y construire des villas, vous n’en tirerez pas moins de 25 000 roubles par an.

Anton Tchékhov
La Cerisaie. (Extrait)

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