[Epître à mes amis]
Aiez pictié, aiez
pictié de moy,
A tout le moins, s'i
vous plaist, mes amis !
En fosse giz, (non
pas sous houx ne may),
En cest exil ouquel
je suis transmis
Par Fortune, comme
Dieu l'a permis.
Filles amans jeunes
gens et nouveaulx,
Danceurs, saulteurs,
faisans les piez de veaux,
Vifs comme dards,
agus comme aguillon,
Gousiers tintant
clair comme gastaveaux,
Le lesserez là, le povre Villon ?
Le lesserez là, le povre Villon ?
Chantres chantant à
plaisance, sans loy,
Galans riant,
plaisants en faiz et diz,
Coureux alans francs
de faulx or, d'aloy,
Gens d'esperit, un
petit étourdiz,
Trop demourez, car il
meurt entandiz.
Faiseurs de laiz, de
motés et rondeaux,
Quand mort sera, vous
lui ferez chaudeaux !
Où gist, il n'entre
n’escler ne tourbillon :
De murs espoix on lui
a fait bandeaux.
Le lesserez là, le
povre Villon ?
Venez le voir en ce
piteux arroy,
Nobles hommes, francs
de quart et de dix,
Qui ne tenez
d'empereur ne de roi,
Mais seulement de
Dieu de paradiz ;
Jeûner lui faut
dimenches et merdiz,
Dont les dents a plus
longues que ratteaux ;
Après pain sec, non
pas après gasteaux,
En ses boyaux verse
eaue à gros boullon ;
Bas en terre, table
n'a ne tresteaux.
Le lesserez là, le
povre Villon ?
Princes nommez,
anciens, joulvenciaulx,
lmpetrez moy grâces
et royaux sceaux,
Et me montez en
quelque corbillon.
Ainsi le font, l'un à
l'autre, pourceaux,
Car, où l'un brait,
ils fuyent à monceaux.
Le lesserez là, le
povre Villon ?
François Villon (1431
?)
« Villon joue
avec une langue qui n’est plus la nôtre, déformant les noms des personnes, des
lieux, multipliant les double sens, les clés de lecture. Ca semble souvent
drôle, méchant et sacrément bien troussé. L’appareil de notes s’avère utile
(selon l’édition, l’orthographe peut également être plus ou moins modernisée).
J’ai retenu cette
épître car Villon y évoque avec beaucoup d’ironie le triste sort qui fut le
sien. Malgré l’outrance de l’appel à l’aide qui peut et qui doit faire sourire,
malgré les attaques perfides auxquelles Villon se livre contre ses amis, contre
ses ennemis, on devine dans ces vers le portrait sans pudeur d’une époque qui
ne fut certainement pas tendre avec ses misérables.
Villon fut, peut être
malgré lui, le représentant de cette foule d’anonymes crevant de faim et de
froid. C’est sans doute tout aussi naïf que d’en faire une canaille héroïque,
maltraitant les convenances et les institutions mais qu’importe...c’est l’image
que je veux garder de mon « pauvre» Villon... »
Heinrich Schütz (1585-1672) : Motet « Sept paroles de la croix »
Musopen (Musique libre de droit)
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