Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

jeudi 20 décembre 2012

Savannah Bay


Madeleine
Qu’est-ce que c’est ?
Jeune femme
C’est jean et Hélène. Ils ont apporté un disque pour vous. (Temps).  Ils sont repartis.
Madeleine
Ah bon…
La jeune femme caresse les mains de madeleine, les embrasse. La voix de la chanteuse cesse.
Jeune femme
Vous reconnaissez cette chanson ?
Madeleine (hésitation)
C’est-à-dire… un peu…
Temps long.
Jeune femme
Je vais la chanter et vous, vous répéterez les paroles.
Madeleine ne répond pas. Elle fait une légère moue. La jeune femme la regarde avec gravité.
Jeune femme
Vous ne voulez pas ?
Madeleine
Si… Si… je veux bien…
La jeune femme continue à regarde madeleine avec une gravité intriguée. Madeleine passe la main sur le visage de la jeune femme.
Madeleine
Vous êtes ma petite fille ?
Jeune femme
Peut-être.
Madeleine (cherche)
Ma petite fille ?... ma fille ?...
Jeune femme
Oui, peut-être.
Madeleine (cherche)
C’et bien ça ?
Temps. Silence Madeleine ferme les yeux et caresse la tête de la jeune femme comme une aveugle le ferait. La jeune femme se laisse faire. Et puis Madeleine lâche la tète, ses mains retombent, désespérées.
Madeleine (temps)
Je voudrais qu’on me laisse tranquille.
Jeune femme
Non.
La jeune femme prend les mains de madeleine et les pose sur sa propre tête pour qu’elle continue à caresser « la troisième absente ». Les mains de madeleine retombent encore désespérées. La jeune femme abandonne.  Mains inertes des deux femmes.
Jeune femme
Vous vous ennuyez ?
Madeleine
Non.
Jeune femme
Jamais ?
Madeleine (simple).
Jamais.
Silence. La jeune femme chantonne « les mots d’amour ». On dirait que Madeleine cherche d’où vient le son Arrêt du chant. Puis la jeune femme commence à chanter la chanson de façon ralentie tout en prononçant les paroles de façon très intelligible.

Savannah Bay (Extrait)
Une oeuvre de Marguerite Duras.
les éditions de minuit


2 commentaires:

  1. Marguerite DURAS chambre 248 à la première lecture : "Pari perdu"

    Son écriture,compagne de mes insomnies
    depuis longtemps.
    Quelle fête son passage à l'hôtel

    Tout en lisant l'extrait choisi et proposé de Savannah Bay, ce dialogue, j'étais absolument sur de moi, une surprise nous attendait nous lecteurs. Oui,"l'écoute de ce dialogue lu et sa mise en voix"

    Oups pour moi, presque réussi pourquoi ?
    Vous avez choisi, Manuel, que de ne chanter au ralenti "les mots d'amour" de la jeune femme et sur un temps d'enregistrement juste un petit peu trop longtemps.

    Ne faites pas paraître ce commentaire je vous prie, mais réengistrer l'entiéreté de votre proposition,vous allez voir, jubilation garantie
    voilà c'est dit

    je pars pas tout de même sans vous dire merci

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  2. Manuel,
    ce nouvel enregistrement
    une merveille
    je ne sais par quel tour de passe passe
    au diable le reste du dialogue
    vertige à se pâmer
    chaque syllable ancrée
    neige à chaque silence
    souffle vivant
    brûlure assurer
    pour qui veut s'identifier à l'objet
    de ce désir

    GeM

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