Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

lundi 7 janvier 2013

Suite Françoise Sagan


PERSONNAGES
RANIEVSKAÏA LIOUBOV ANDRÉÏEVNA, propriétaire.
ANIA, sa fille, dix-sept ans.
VARIA, sa fille adoptive, vingt-quatre ans.
GAÏEV LÉONID ANDRÉÏEVITCH, frère de Mme Ranievskaïa.
LOPAKHINE ERMOLAÏ ALEKSÉÏEVITCH, marchand.
SIMEONOV-PICHTCHIK BORIS BORISSOVITCH, propriétaire.
FIRS, valet de chambre, quatre-vingt-sept ans.



LOPAKHINE. – Oui, le temps passe.
GAÏEV. – Quoi ?
LOPAKHINE. – Je dis le temps passe.
GAÏEV. – Ici, ça sent encore le patchouli.
ANIA. – Je vais aller dormir. Bonne nuit, maman.
(Elle embrasse sa mère.)
MME RANIEVSKAÏA. – Chère petite adorée. (Elle lui
baise les mains.) Tu es heureuse d’être à la maison ! Moi, je n’en reviens pas encore.
ANIA. – Bonjour, mon oncle.
GAÏEV, (il l’embrasse et lui baise les mains.) – Dieu te garde, mignonne ! Comme tu ressembles à ta mère ! (À Mme Ranievskaïa.) À son âge, Liouba, tu étais exactement ainsi.
(Ania tend la main à Lopakhine et à Pichtchik. Elle sort et ferme la porte derrière elle.)
MME RANIEVSKAÏA. – Elle est très fatiguée.
PICHTCHIK. – C’est que le voyage est long.
VARIA, à Lopakhine et Pichtchik. – Messieurs, il est
trois heures, il faut se retirer.
MME RANIEVSKAÏA, riant. – Toujours la même, Varia.
(Elle l’attire à elle et l’embrasse.) Je vais prendre mon café
et nous nous en irons tous dans nos chambres. (Firs lui
glisse un tabouret sous les pieds) Merci, mon bon. J’ai
pris l’habitude du café. J’en bois jour et nuit. Merci, Firs.
(Elle lui baise le front.)
VARIA. – Il faut aller voir si tous les bagages sont là.
MME RANIEVSKAÏA. – Est-il possible que je sois ici !
(Elle rit.) Je voudrais sauter, battre des mains… (Elle se
couvre le visage de ses mains.) Est-ce que je ne rêve
pas ?… Dieu le sait, j’aime tendrement mon pays ! Je ne
pouvais regarder par la portière sans pleurer… (Elle
pleure.) Allons, il faut prendre notre café ! Merci, Firs ;
merci, mon bon. Je suis si heureuse de te retrouver en vie.

Anton Tchékhov
La Cerisaie. (Extrait)

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