Le Matricule des anges sur Robert Ganzo :
Revue n° 037
(Décembre 2001-février 2002).
« J'ai connu l'homme
tardivement, peu d'années avant sa mort, mais à quatre-vingt-quinze ans, il
restait d'une vitalité et d'une présence étonnante, aux gestes vifs, à l'attention
jamais démentie. L'écriture était ferme. Il continuait à fumer la pipe,
travaillait encore à un futur poème. Il ressemblait un peu, par la densité, à
ces pierres qu'il ramassait dans les forêts et dont il était convaincu qu'elles
évoquaient des têtes humaines ou figuraient des profils qu'il identifiait. Des
deux placards, dans son appartement proche du Trocadéro, l'un recelait ses
livres les plus précieux, tandis que l'autre, fermé à clef comme un trésor,
contenait sa collection de pierres choisies pour leurs formes insolites,
anthropomorphiques ou pour leurs dessins gravés par les millénaires et dont il
aimait traduire le graphisme sur une feuille qu'il vous donnait en partant.
Face à ce monde lithique, il y avait en lui, préservé jusqu'au dernier souffle,
cet émerveillement de l'enfant qui reste le secret du poète ».
Franck Venaille.
Poète et résistant, Robert Ganzo (1898-1995) fut un continuateur conséquent du courant Mallarmé-Valéry. Ami des peintres et des poètes, il fut frappé de fièvre lithique et, passionné par la préhistoire, devint aussi celui des pierres.
Poète et résistant, Robert Ganzo (1898-1995) fut un continuateur conséquent du courant Mallarmé-Valéry. Ami des peintres et des poètes, il fut frappé de fièvre lithique et, passionné par la préhistoire, devint aussi celui des pierres.
Robert Ganzo incarnait ce paradoxe d'avoir été danseur à
Bruxelles -il publiera en 1930 Du dancing ou le danseur sentimental- avant de
devenir bouquiniste puis libraire à Paris, rue de Vaugirard, d'être né à
Caracas, en 1898, mais d'être poète français, de se vouloir peintre à ses
heures. "Je suis un peintre préhistorique" aimait-il dire et d'avoir
fini par délaisser la poésie pour remonter précisément vers la préhistoire dont
il se fit le théoricien rebelle... Comme si, après avoir descendu le fleuve
Orénoque dans l'un de ses plus beaux poèmes, il en avait remonté le cours
jusqu'aux sources les plus secrètes de l'humanité. Mais, après tout, la danse
peut être une poésie en mouvement et la préhistoire une face cachée de la
poésie : celle-ci pour lui était une rêverie qu'il tentait, au grand dam des
spécialistes, d'arrimer dans une cale qu'il voulait théorique sans en renier la
poésie.
Peut-être est-ce cette diversité de talents, toujours mal
vue en France, qui l'empêcha d'accéder à une plus vaste audience : Robert
Ganzo, poète, aura frôlé le renom sans jamais connaître le véritable succès et
ce malgré une très longue existence de quatre-vingt-dix-sept ans.
S'il ne fut pas célèbre, Ganzo ne fut pas ignoré. Ses pairs
le reconnurent. Si Valéry s'inquiétait un peu de ce titre d'Orénoque que Ganzo
donna à l'un de ses recueils, il ne lui ménagea ni son estime ni son attention.
Léon-Paul Fargue préfacera dès 1938 ses Sept chansons pour Agnès Capri où le
poète renoue avec la tradition de la chanson populaire au même moment que
Desnos et Prévert.
Comment ne pas rappeler au passage que Ganzo fut un des
poètes dont les républicains espagnols récitaient les strophes ci-dessous :
TRACTS, Ed. Jean Aubier 1947
"Mais c'est si loin Shanghai/ et c'est si loin Madrid/
que ce grand cri vous ne puissiez l'entendre" (Aux égarés).
De même qu'en ces années, ce qui deviendra le poème Tubize
est récité, en France, dans les usines en grève :
"Dans cette usine ça sent l'éther/ et dans l'éther
peinent les filles."
Certes ces quelques titres n'auraient pas suffi à faire de
Robert Ganzo un poète de haut rang, ce qu'il est indubitablement. Entre 1937 et
1954, paraît l'essentiel de son œuvre poétique : un maigre volume (une centaine
de pages) mais d'un superbe éclat et d'une rare densité. Œuvre en deux temps
qui naît avec Orénoque (1937), se poursuit avec Lespugue (1940), Rivière
(1941), Domaine (1942) et reprend après-guerre avec Langage (1947), Colère
(1951) et Résurgences (1954) qui marque en quelque sorte son éloignement de la
poésie.
En plus d'un sens, Robert Ganzo est l'un des très rares continuateurs authentiques du courant Mallarmé-Valéry, mais en plus cosmique et mêlant superbement ellipses et correspondances le classicisme et la modernité. Lespugue qui paraît l'année où Lascaux est découvert, est sans doute le premier grand poème inspiré par la préhistoire, rencontre ou remontée vers la femme première, à la fois humaine et cosmique :
En plus d'un sens, Robert Ganzo est l'un des très rares continuateurs authentiques du courant Mallarmé-Valéry, mais en plus cosmique et mêlant superbement ellipses et correspondances le classicisme et la modernité. Lespugue qui paraît l'année où Lascaux est découvert, est sans doute le premier grand poème inspiré par la préhistoire, rencontre ou remontée vers la femme première, à la fois humaine et cosmique :
"Ta chair immense que j'étreins/ riait et pleurait dans
ma moelle, / et je trouve, au fond de tes reins/ la chute sans fin d'une
étoile."
Le matricule des anges
Manuel bonjour
RépondreSupprimerde nouveau vous avez coupé mon e mail
pourquoi !!
vous pouvez me répondre de la même façon
tout en laissant la source
à laquelle si besoin
pour vous répondre je peux me référer.
Plaisir quand même votre mise en scène
du poète Robert Ganzo sur votre blog, Manuel
les extraits choisis sont pour moi des plus
attachants, on y perçoit "le bonhomme".
Dans un premier temps
légèrement courbé, grand, marchant
le long d'une vieille sente en bord de Seine
à la recherche du caillou qui saura en ce petit matin
rappelé à sa mémoire les rives de son enfance, du fleuve
l'Orénoque, au cour tumultueux, aux chutes dangereuses et bancs d' « alluves » parsemés en minéraux précieux mais aussi chargé de boue, de celle qui colle et que l'on peut à grand peine effacer.
Puis c'est à l'Usine qu'il arpente, le temps d’une grève, le sort de petits le révolte, il est concerné, la vie d'un poète étant loin d'être une fête au jour le jour, il faut aussi chercher, provoquer, se battre, hurler, danser pour vivre, tenter à se faire connaître loin des compromissions ;
Et pour finir votre préférence
de nous rappeler que bien que grand poète il eut plaisir et talent à composer des chansons, là j'ai à l'oreille votre voix, entendue dans une voiture, vous y fredonniez "Suicide".
Vraiment très sympa, merci.