Notre salon Arletty: dès le début des années 1930, Arletty est devenue une figure érotique, ce dont témoigne ce portrait de Moïse Kisling, datant de 1933. Crédits : © Moïse Kisling / ADAGP, Paris 2012 / Photo © Studio Monique Bernaz, Genève.

mercredi 20 février 2013

"Le vent nouveau balaie les montagnes".

FRANK WEDEKIND
L’EVEIL DU PRINTEMPS
Tragédie enfantine
(écrite de l’automne 1890 à pâques 1891)
Traduit de l’allemand par François Regnault
Préface
De Jacques Lacan
Intervention de Freud sur
L’éveil du printemps
A la société psychologique du mercredi
A Vienne, en 1907


Ainsi un dramaturge aborde en 1891 l’affaire de ce qu’est pour les garçons de faire L’amour avec les filles, marquant qu’ils n’y songeraient pas sans l’éveil de leurs rêves.
Remarquable d’être mis en scène comme tel : soit pour s’y démontrer ne pas être pour tous satisfaisant,  jusqu’à avouer que si ça rate, c’est pour chacun.
Autant dire que c’est du jamais vu.
Jacques Lacan
Le 1° septembre 1974.

Deux enfants :
Les garçons Melchior Gabor et Moritz (Maurice) Stiefel.

Melchior : … Assoyons-nous ici sous le hêtre.  Le vent nouveau balaie les montagnes. J’aimerais être, maintenant, là-haut dans la forêt, une jeune dryade qui, toute sa longue nuit, se laisse bercer, balancer, dans les plus hautes cimes.
Moritz : Déboutonne ta veste, melchior !
Melchior : Ah ! Comme les vêtements gonflent au vent !
Moritz : Il tombe Dieu sait quelle noirceur, a ne pas voir sa main devant les yeux.  Où es-tu exactement ? Ne crois-tu pas comme moi, Melchior, que le sentiment de la pudeur, dans l’homme, n’est qu’un produit de son éducation ?
Melchior : Avant-hier encore, j’y songeais. Il est tout de même enraciné profond dans la nature humaine.  Imagine que tu doives te dévêtir entièrement devant ton meilleur ami. Tu ne le feras pas s’il ne le fait en même temps lui aussi. Et puis c’est encore plus ou moins une affaire de mode.
Moritz : Je me suis déjà dit que si j’ai des enfants, des garçons et des filles, je les ferai dormir ensemble, et dès le début, dans la même pièce, si possible sur une seule et même couche ; je voudrais que matin et soir ils s’aident à s’habiller et à se déshabiller les uns les autres et qu’à la chaude saison, les garçons comme les filles, ils ne portent rien du tout le jour qu’une tunique de laine blanche, ceinte d’une lanière de cuir. J’ai idée qu’à grandir dans ces mœurs, ils devraient plus tard être plus calmes que nous ne le sommes pour la plupart.
Melchior : j’en suis persuadé, Moritz ! La question est seulement : si les filles ont des enfants que faire ?
Moritz : Comment ont des enfants ?
Melchior : A cet égard, je crois justement à un certain instinct. Je crois que, si on enferme ensemble un chat et une chatte en bas âge et qu’on les écarte tout les deux de tout commerce avec le monde, ce qui revient à les abandonner entièrement à leurs seuls mouvements, tôt ou tard, la chatte devient grosse un beau jour, bien qu’elle ni son chat n’aient eu aucun modèle pour leur ouvrir les yeux.
Moritz : Chez les animaux, il faut bien que cela arrive tout seul un jour ou l’autre.
Melchior : Mais chez les hommes bien davantage, c’est mon avis ! Je te le demande, Moritz, si tes garçons dorment avec les filles sur une seule et même couche et que leur adviennent à l’improviste les premières excitations mâles, eh bien ! Je parierais volontiers avec n’importe qui…

 La pièce de Wedekind est pleine de mérites. Ce n’est pas une grande œuvre d’art, mais elle restera comme un document, qui intéresse l’histoire de la civilisation et des mœurs.
Freud
Le 1° février 1907.

FRANK WEDEKIND
L’EVEIL DU PRINTEMPS
   NRF
Gallimard

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